J'ai souvent le désir de partager mes lectures de Murakami. Mais il m'est difficile d'exprimer clairement les sensations qu'elle procurent, un doux contentement, un dépaysement, une proximité.
Quand je lis Murakami, je me sens en harmonie avec l'univers en dépit de ses vices et ses horreurs, ou bien serait-ce du fait de ces vices et de ces horreurs. Tout s'unifie, le beau et le laid, l'ordinaire et le surréaliste, l'émotion et le détachement, le réel et le rêve. C'est un style simple, plat même. Retenu, pudique, clinique et à la fois une littérature poétique, onirique. Dans Danse, danse, danse, le lecteur est placé au coeur des pensées du héros. Il voyage avec lui, aussi bien dans les ténèbres d'un hôtel miteux où vivent d'étranges créatures, que dans sa Subaru d'occasion avec une ado un peu paumée, ou dans ses réflexions sur la société japonaise. On a envie de continuer, que cela soit sans fin.
Il y a quelques années, un été, j'avais déjà flotté avec Murakami, dans La ballade de l'impossible. Je me souviens des élans compassionnels du personnage principal. De son désir de vivre, malgré le détachement apparent. De ses loyautés. Le désespoir d'une des héroïnes, luttant vaillamment pour vivre, un combat tellement dur qu'elle finissait par renoncer. La perte, le deuil. Cela se déroulait pourtant dans une grande tranquillité et une grande affection. Une longue promenade, sans rien de dégoulinant, on cheminait simplement à côté, prenant le temps qu'il faut pour vivre les événements.
Il n'y a guère que les Chroniques de l'oiseau à ressort auxquelles je n'ai pas accroché. Peut-être parce que je n'étais pas capable de les recevoir, à ce moment-là. Il faut être prêt à se laisser emmener, à s'abandonner.
Je voudrais que ma vie ressemble à un roman de Murakami. Que tout fasse unité. Etre en paix avec l'univers. Quand on a fait tout ce qui était possible et renoncé à l'impossible. Percevoir le chemin de traverse, inventer une calme promenade.