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vendredi 18 décembre 2015

Lire des recettes

livres de recettesJe l'ai déjà écrit ici, j'adore lire des recettes. Et les sites de recettes. Et les blogs de cuisine. Je regarde avec plaisir ma collection de livres, sur l'étagère. Les photos de plats. Les émissions télé culinaires.

Manger par procuration.

La période de Noël, c'est la période de Michka, des amis qui passent, je me mets aux fourneaux. La semaine dernière, en dessert, en plus du fondant au chocolat habituel, j'ai hésité à proposer un truc léger, semi-diétiétique : salade d'oranges ou coulis de fruits rouges. Mais j'ai renoncé, justement parce que c'est la période de Noël, de Michka, du sentiment qui dégouline, du lourd quoi.

Alors j'ai fait dégouliner le sentiment, avec une crème anglaise bien sucrée, bien réconfortante, la même que celle que ma mère confectionnait, quand j'étais petite, pour accompagner les oeufs à la neige au caramel. Parfois, elle la ratait, le mélange bouillait quand il ne faut pas qu'il bout, elle devait rattraper la crème triée en la secouant dans une bouteille, râlait à moitié, rigolait beaucoup (comme je l'admire d'avoir continué tout ça, sa cuisine, ses plats du dimanche, la bonne humeur, malgré les enfants tout le temps dans ses jupes...).  

La crème anglaise était réussie, cette fois, même si j'avais préparé la bouteille au cas où. Une petite fille qui porte un prénom d'héroïne de la comtesse de Ségur en a bu la moitié à elle toute seule. Ca faisait longtemps que je n'avais pas vu une toute petite fille dans mon salon, tendre son bol, demander "encore" avec cet appétit, cette joie de l'enfant.

Pour ce week-end, je cherche encore l'alchimie du déjeuner du dimanche. J'ai consulté Marmiton, PetitChef, C'est moi qui l'ai fait, Elle à table... Ca ne vient pas. J'ai l'idée du plat, une recette inavouable de gratin au saumon. Pour le reste, on verra.

Je suis fatiguée de lire des recettes, je crois. Fatiguée de lire, tout court. Fatiguée de tout, en fait.

Ce qui me guide le mieux en cuisine, ce ne sont pas les recettes que je lis, c'est le souvenir... Dimanche, je ferai peut-être bien la bûche aux marrons de ma grand-mère, en dessert. Avec une crème anglaise, qui sait.


dimanche 15 décembre 2013

Une année sans Michka

Michka
Cette fois, c'est foutu. L'enfance est finie. L'enfance de mes enfants. "On n'a plus 5 ans, maman", voilà ce que j'ai entendu en déballant les décorations de Noël et en retrouvant l'album du Père Castor au fond du carton. L'album tout vieux, avec mon nom écrit à l'encre bleue à l'intérieur, NOM en majuscules, Prénom en minuscules, une écriture appliquée qui devait être la mienne en ce temps-là.

L'an dernier, j'avais convaincu la plus jeune de lire une ultime fois cet album tout vieux avec moi.  Mais cette fois, c'est fini, Michka est dépassé. Bien sûr que c'était surtout par mimétisme que mes enfants étaient venus à la lecture de Michka. Après, le choix est devenu plus varié, des mangas aux DVD, Michka ne pouvait pas lutter.

Ca représente pourtant comme une tranche de vie qui s'efface. Adieu, petit Michka, adieu les récits allongés sur le canapé avec les petits pieds au chaud sur mon ventre ou les petites têtes au creux de mon épaule. Adieu les questions : mais pourquoi il part de sa maison, Michka ? C'est qui le renne de Noël, pourquoi c'est pas le Père Noël, qu'il rencontre ? Dis maman, tu pleures ? (mais non ma cocotte, j'ai les yeux un peu humides, c'est tout, c'est parce que j'ai baillé...). Noël continue, Apple est le nouvel ami qui remplace Michka. Nous cherchons chez lui des trêves dans le dur combat ; exigences scolaires, conflits sans fin pour les sorties, téléphones portables en non stop. Je déteste l'adolescence, j'ai détesté la mienne, je déteste celle de mes enfants qui n'en sont plus.

Pour la première fois depuis 15 ans je n'ai sorti Michka de sa boîte que pour moi, la maman, la lectrice, la petite fille d'autrefois. Ca m'a serré le cœur, un instant, un grand soupir s'est échappé de ma poitrine. Mais quand Michka s'est élancé dans la neige, levant haut les pattes, enfin libéré de la maison d'Elisabeth, j'ai senti le souffle de la liberté me reprendre. L'envie d'aller voir ailleurs. Comme quand j'avais 5 ans et qu'on me lisait cette histoire. Comme quand je voyage, parfois, tout là-haut dans les pays du Nord et que le vent frais de la Baltique me fouette les joues. Comme à chaque fois, quand je pense : vas-y, Michka. C'est tellement bon de manger du miel dans les bois. De faire la sieste sur un arbre. De rencontrer le renne.

Michka et moi, on va patienter un moment. Attendre la génération suivante pour peut-être entendre à nouveau les petits souffles attentifs et les rires. On s'en fiche, du temps qui passe, on a toute la vie devant nous. Bientôt 40 ans qu'on se fréquente à chaque Noël, pourquoi ça s'arrêterait.

mercredi 13 novembre 2013

Petit Prince

Petit Prince
Dans la vie, il y a toujours un moment où on revient au Petit Prince. A Saint-Ex. Saint-Ex, c'était le nom du collège et j'étais envieuse de ma copine qui habitait en face quand je devais me lever tôt et marcher une bonne demi-heure pour y arriver. C'est là que j'ai fumé ma première cigarette. Là que j'ai fait mon premier footing, sous la contrainte. Là que j'ai été invitée à ma première boum. J'aimais bien, Saint-Ex.

Saint-Ex surtout c'est Le Petit Prince, la rose, l'astéroïde B612, le businessman et l'abruti de roi qui ne connaît rien d'autre que les ordres.  Les dessins de chapeau, de boa ouvert ou fermé et d'éléphant. Les grandes personnes qui ne comprennent rien, il leur faut toujours des explications. L'allumeur de réverbère. Etc.
Dans la galerie des personnages du Petit Prince, j'aime particulièrement le renard. Je l'ai toujours aimé, pas seulement parce qu'on m'avait fait apprendre par cœur sa tirade à l'école primaire. J'aime son ton plaintif et résigné et son besoin d'être apprivoisé. Ses hésitations à voyager, quelque part où il n'y a pas de chasseurs ni de poules. Et sa sagesse. Finalement, il est bien là, dans son champ de blé qui ne lui rappelle rien, dans sa vie monotone, même s'il rêve parfois d'autre chose. Il y a toute une poésie du renard, dans ce champ de blé improbable. Ca va bien au-delà de cette phrase mièvre et trop rabâchée, on ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux.

Il a eu le temps de réfléchir à l'apprivoisement, le renard, à ce qui fait qu'un être devient unique au monde. A ce que signifie créer des liens. Les journées sont longues, quand tous les hommes se ressemblent et toutes les poules se ressemblent. Un peu comme dans la vie. Le Petit Prince, évidemment, il pense à sa rose, pourtant une belle pimbêche. Le renard, lui, est moins exigeant ; un ami survient, l'apprivoise et sa vie monotone s'éclaire. C'est une affaire de patience, prendre son temps, découvrir le prix du bonheur, comme il dit.

Je suis comme le renard. A propos de quelqu'un, il m'arrive de penser fort dans ma tête : si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Et ma vie  parfois s'ensoleille et alors je pense au renard et aux rites et que tout est différent quant on s'est apprivoisé. Il peut même soudain se mettre à faire beau quand le ciel juste avant était gris.

samedi 28 septembre 2013

Moving


secret drawer
Last week, I opened my secret drawer. The drawer where I have locked in most of what is related to you. Presents, postcards, non-sent letters that I have written over the years. Inside, there is the little puppet, the silk scarf and the Little Prince you gave me. There's also my heart, broken into 1000 pieces. My memories. My tears,  your smile; your tears and my smile. In the old days, you were saying each girl has a secret drawer, full of love letters.

I usually avoid to open my secret drawer and to look at your cards. I don't wear your presents, even though I always wear scarves. I don't read you either, even though I'm a compulsive reader. But this time it was different. I was moving office, had to tidy everything up. I saw the card you sent on our first anniversary: "together forever". I re-read your words of love. They reminded me of mines. It was both moving and ironic.

I remembered the first time we met, at this boring reception. I hadn't understood your name, people were so noisy around and you were speaking too fast. You were funny and shy, both serious and not taking anything seriously. A nice guy with a malicious glance. I thought I would never see you again after this strange evening. How could I have imagined you would be the man I would most love, hate and regret in my whole life...  the guy who would patiently get me back to life and who would kill me afterwards. I was desiring you to get me back to life, for sure ; and maybe to kill me afterwards, who knows.

I saw you again, the day after the reception. It was the beginning of a beautiful and sad story. A story of lips and cream. A story of Circe and objet a.  A story of two lost children carrying their love and their lack.

You still are so much in my heart.
 
I can feel in peace with you, finally.

10 years to get in peace with you.

But I still can't throw anything away . And I don't feel able to open the secret drawer again.

mardi 4 juin 2013

The ghost

The ghost is back. Each time I have a look at my page, he is there. As always with the ghost, I have to force myself not to give meaning to his presence. He is there because he wants to be there, or hasn't realized he was there. It has nothing to do with me.

It has nothing to do with me. The rest is only in my brain.

Marc Chagall, Au dessus de la villeWhen the ghost was alive, a long time ago, any little thing in my daily life would become a sign of his presence. Thinking of him when opening my eyes in the morning. Thinking of him when brushing my teeth. When listening to a song on the radio. When smoking or drinking some red wine. He was like a piece of my brain, like a continuous TV channel switched on, like a big cloud invading any small part of my sky. I was constantly reminded of him.

When he disappeared from my life, it was a long grieving process to get out from him. The most difficult thing to kill is your own thoughts, to switch off the channel. To see the toothbrush or the clouds, when there's nothing else to see. To remember constantly that the ghost has gone and has nothing to do with me now. It took me years.

I don't like to get to the same webspace or page as him, because it gets me back to the grieving process and to him, to some extent. I have to make efforts, I have to resist. Exhausting.

vendredi 31 mai 2013

Lire des copies



Je me souviens de mon professeur de philosophie au lycée qui disait détester corriger des copies. Il était très lent, rendait les corrections après plusieurs semaines, levait les yeux au ciel quand nous lui réclamions nos devoirs, l'air las. Le jour où il en avait fini avec son pensum, on le sentait détendu, délivré, c'est le moment qu'il choisissait pour glisser un clin d'oeil ou une blague quelconque. Je ne comprenais pas, quand moi je mettais tant de coeur à écrire de belles dissertations. J'étais jeune et bête, il faut dire.
 
Le temps a passé. Je suis moins jeune (moins bête ? moins bardée de certitudes plutôt) et maintenant, je comprends intimement cet ancien professeur de philosophie. Je ne l'ai jamais compris aussi intimement que depuis que chaque semestre, je dois me prêter à l'exercice de la correction de copies. 
correction de copieJe n'arrive pas à m'y mettre, repousse le moment, évite de regarder la pile sur mon bureau, m'invente mille activités urgentes, des problèmes à régler, des rendez-vous, des opérations essentielles, des conversations sans fin. Quand vraiment je n'ai plus le choix car la date-limite approche, que la pression monte, je m'y colle. C'est toujours à la dernière minute et je suis bien connue au secrétariat pour dépasser les délais, parce que non contente de commencer en retard, j'y passe beaucoup de temps. Trop. Une fois que je m'y suis mise, c'est plus fort que moi, la lectrice reprend le dessus. Elle s'acharne à disséquer, commenter, interroger l'argumentation ; comme si je recevais chacun des auteurs de ces copies en tête-à-tête. L'imagination travaille, autant que le stylo. Je me représente la personne qui a écrit la copie : la charmante jeune fille ou le caïd du fond de la classe ? Me demande si tel trait d'esprit était volontaire. Comment ça se fait que je n'ai pas entendu un tel lyrisme, ce semestre, à l'oral. 15 minutes, un devoir, 15 petites minutes pour juger de trois heures et même de trois mois de travail. Rarement plus, les heures s'enchaînent, il faut corriger, noter, valoriser, sanctionner. Les pauvres petits, je me dis parfois, qui suis-je pour les juger, c'est le hasard de la vie qui m'a placée là. Devant une copie blanche, je note "copie blanche : 0", ça me serre le coeur.

Quand j'en termine enfin avec mon pensum, fatiguée d'avoir lu des dizaines de versions du message initial, je me sens légère. C'est souvent le moment que je choisis pour glisser à ceux que je croise un clin d'oeil ou une blague quelconque. Ainsi va la vie, comme on disait au lycée... Je me souviens de mon professeur de philosophie, un esprit rebelle qui militait pour la suppression des notes et l'exigence d'une connaissance rigoureuse. Une autre époque.

jeudi 9 mai 2013

Modes de Paris

Modes de ParisModes de Paris, pour les filles, dans les années 70, c'était le magazine que lisaient les mères et les amies des mères. En tout cas, la mienne et ses amies. Très genré, comme on dirait maintenant. Je m'étonne de ne pas trouver de thèse ou d'article scientifique sur le sujet (Actes de la Recherche en sciences sociales a publié une étude détaillées de Nous Deux, en 1985). Peut-être y'a-t-il des témoignages sur les blogs, mais je n'ai pas le courage de chercher.

Pour la petite fille des années 70, Modes de Paris, c'était le chic. Des femmes bien faites, élégantes tout en restant discrètes, qui présentaient des robes, des tailleurs, des chapeaux. Les patrons pour réaliser soi-même les vêtements à la mode parisienne. Les recettes qui épateraient les invités dimanche prochain (j'en possède encore). Le courrier des lectrices où je découvrais bien des soucis des femmes de ce temps-là, avec toujours les mêmes façons simples de les affronter : l'acceptation, l'évitement, le dévouement, surtout être agréable, les femmes doivent être gentilles. Le roman-photo, ma partie préférée. Les hommes y étaient beaux, subtils, amoureux ; les femmes n'avaient qu'à les rencontrer et leur jeter un regard ou deux, l'amour naissait, là, sur la photo, on voyait les coeurs battre et les regards s'embuer. Bien sûr il y aurait un ou deux obstacles, mais tout ceci se terminerait du mieux possible (mariage ? enfants ?). Un jour, mon prince viendra... Maman, tu as dû rêver de ça, toi aussi. Comme nous étions toutes naïves, alors. Comme c'était aliénant, comme c'était bien... Mes filles sont nées dans un autre monde. Un monde où les filles doivent être des tueuses, indépendantes, réalistes, carriéristes. De quoi pourraient-elles rêver, puisque le prince charmant ne viendra pas ? D'avoir leur indépendance économique, bien sûr, très important, des fois que le prince ne soit pas si charmant... Et puis, quoi ? S'émanciper des sentiments, de l'abnégation familiale, c'est ça, le bonheur ? Je me demande. Je me souviens de ma mère, de ma grand-mère, de mes tantes, de leur tendresse infinie et de leur capacité à sourire d'un rien et je me demande.

lundi 29 avril 2013

La mer (souvenir de lectrice)


merIl fait beau. La mer est turquoise. On a marché un peu, trouvé un bel endroit où pique-niquer, dans les rochers, à l'ombre des pins. On entend les vagues. Il y a une brise légère, juste ce qu'il faut. Les enfants crient, viens voir, on va se tremper les pieds, se mettent en maillot, vite fait bien fait. On entend leurs rires, comme elle est froide cette eau, comme c'est rigolo.

Tu vas vers la mer, reviens, t'asseois sur un rocher. Puis, après un moment de silence contemplatif : hum, on est bien là.

Et c'est vrai qu'on est bien. Une petite famille, au soleil. Un peu plus tôt dans la matinée, on s'est un peu disputé, mais maintenant tout est dissipé.

Après le pique-nique, on s'allongera pour faire une petite sieste, on s'embrassera doucement. Tu me souriras et je te dirai : je t'aime. Moi aussi, tu répondras.

Je lirai un peu et m'endormirai.

C'est le bonheur. 

Sacré-Coeur (reader's memory)

Sacré-CoeurI have climbed the steps to the Sacré-Coeur and I'm waiting for you. There are hundreds of tourists around, Japenese with their cameras, groups of Italians talking and laughing, couples of lovers. I wonder if you would be here, in a few minutes. I'm waiting for you, hearing my heart beating. I've missed you so much.

Suddenly, I see you, your big smile and your malicious glance. You wear a pair of jeans and a nice shirt, a pale pink shirt. You look good, sporty and happy. I run to you, hold you, smell you. You say: "let me look at you, darling", but I can't move, only think of staying there, held tight in your arms, touching your pale pink shirt, with my eyes closed and the sound of my heart beating. You touch me, kiss me, sweetheart, is it you here ? Look at me, baby. It has been such a long time.




                 It's not the fantasy that becomes reality, it's reality that becomes the fantasy.


In a few hours' time, once we have kissed and kissed and made love, you'll read something to me.  One of your chapters or a short piece of a book that you like. I'll try to translate a little bit of what I'm reading, I find it a bit painful not to be able to share my readings with you. Maybe, we'll watch TV afterwards, or have dinner somewhere.

This is happiness.

mardi 12 février 2013

Descente

Je viens de voir sur le site de l'INA l'interview d'une championne de ski des années 70. La championne n'avait pas pu disputer une course à cause d'une blessure. Elle se retrouvait à regarder les autres filles de l'équipe de France, toutes en ordre de bataille, la niaque, bonnets vissés sur les oreilles, bâtons agressifs. Le journaliste demandait à la championne comment elle allait. Elle racontait qu'au début elle avait eu de la peine, de s'arrêter et de regarder les autres continuer... que maintenant elle se résignait, ça devait arriver un jour, elle qui n'avait jamais eu d'accident...
J'aime beaucoup cette expression, "avoir de la peine", ça exprime tellement exactement ce qui se passe. Et ça me paraît très années 70. Les femmes de ma famille l'employaient, ou sa variante "ça me fait de la peine", avec un soupir ou un sourire larmoyant. Ca faisait de la peine et ça se partageait entre femmes, comme ça nous les filles on savait ce qui nous attendait, pour plus tard.
La championne dans la peine reste souriante et douce, cheveux en cascade et pull sage, ne voit pas malgré les relances faussement étonnées du journaliste pourquoi elle serait de mauvaise humeur, puisque ça n'y changera rien... Dans l'équipe de France, personne ne la consolera, c'est chacun pour soi et puis personne n'y peut rien.
Je fais pareil. Je fais la championne. J'attends d'être moins blessée, rechausser les skis, remonter la pente. Je reste souriante et douce, à quoi ça servirait d'être de mauvaise humeur.... J'avalerais bien quelques pistes, quand même, le froid et la neige ça remet les idées en place et au moins quand on se casse la gueule, on sait pourquoi.

jeudi 31 janvier 2013

Bibliothèque idéale

Enfant, je jouais presque tous les soirs à un jeu apaisant, dans mon lit, avant de m'endormir. Le jeu consistait à imaginer un endroit où j'aimerais habiter, tout en le dessinant avec mon doigt sur le drap. C'était toujours le même endroit: une seule pièce rectangulaire, pas très grande, avec toutes les fonctions indispensables à ma vie. Il y aurait donc mini-cuisine, salle de bains, toilettes et les murs tapissés de livres. Une porte épaisse me séparant du monde et du bruit. Je n'en sortirais pas ou peu, j'y serais très tranquille, imaginais-je. Je me sentais protégée dans cette bibliothèque idéale, pouvais alors doucement m'endormir en serrant mon doudou. Parfois, par temps chaud, je dessinais en plus une piscine.
Il m'arrive encore de jouer à ce jeu. Mes goûts sont devenus plus sophistiqués, les magazines déco sont passés par là. Pourtant, l'esprit reste le même. Ce serait une pièce avec des canapés et des fauteuils profonds, pourquoi pas en cuir usé comme dans les clubs anglais, du café (et le droit de fumer).  Les murs seraient couverts d'étagères bien rangées, par ordre alphabétique d'auteur ou par collection. L'éclairage serait tamisé, les tapis soyeux, les parquets craquants. Un chat passerait, jamais où on croit mais jamais parti non plus.
On y trouverait mes livres et mes disques préférés. Un abécédaire d'auteurs où il y aurait forcément Nancy Huston, Siri Hustvedt, John Irving de mes jeunes années, Eliot Perlman, en VO aussi si on veut pour une Anglophone touch. Léonard Cohen, Barbara, Brassens et Linda Lemay dans la discothèque. Des goûts Télérama, un genre de résumé des aspirations et des rêves de la classe moyenne au XXIème siècle. On pourrait en faire une sociologie bourdieusienne: "Léonard Cohen, un art moyen". Ou bien dans cinquante ans, une histoire culturelle à la Thompson, The Making of the French Middle Class,  qui mentionnerait Paul Auster ou Annie Ernaux comme tellement représentatifs des lectures stéréotypées de cette catégorie (dans le genre littérature classe moyenne, j'écrirai un jour sur J.G Ballard). Ou pourquoi pas une belle théorie adornienne sur le conditionnement des individus par l'industrie culturelle, car je suis terriblement aliénée à l'industrie culturelle, comme tout le monde, sauf que moi je le sais.
Cette bibliothèque serait également numérique, puisqu'il faut vivre avec son temps... mais j'ai beaucoup de mal à m'imaginer glisser dans le sommeil avec une tablette...

mardi 22 janvier 2013

Pondichéry

Un endroit qui fait rêver, Pondichéry. Je regarde le planisphère affiché dans ma cuisine. Il y a ce petit point de l'océan indien, ce lieu mythique, Pondichéry. Pondy, comme disent les familiers. Pondy-chéri. On imagine l'amoureuse: "rendez-vous à Pondy, chéri". Pondichéry, un petit point de rien du tout pour dire les vagues, l'ashram de Sri Aurobindo, les maisons coloniales, le nom toujours français de quelques rues du centre-ville... et un peu plus loin, Auroville la magnifique (ou serait-ce Auroville la maléfique...). Un petit point qui donne envie de marcher le long de la jetée, humer l'air épicé, dormir les fenêtres ouvertes par 40 degrés dehors, avec le bruit du ventilateur et les klaxons des scooters en fond sonore. De commander un thali dans un café pour finir par se dire qu'on aurait préféré une baguette beurrée, tout compte fait. Pondy, le goût du thali, voilà, ce que ça dit. 
Lire une carte est une activité puissamment évocatrice. Imaginer la réalité sensible que le point cartographique représente et réduit dans un même mouvement.  En regardant la mappemonde, je me transporte dans des lieux connus ou inconnus, en voyage. New-York autrefois m'a beaucoup fait rêver,  Sydney aussi, maintenant c'est peut-être davantage Jerusalem, Tokyo, Oran, les falaises irlandaises. Des images viennent à l'esprit juste en posant les yeux sur l'étendue bleue plastique de l'Atlantique ou les rivages coloriés en jaune de l'Algérie. Ca ne date pas d'hier... Dès le XVème - XVIème siècles, les cartes du monde, du Nouveau monde en particulier, étaient illustrées de multiples éléments visant à renforcer l'évocation. Vers 1520, des dessins de rhinocéros ou de populations indiennes y ont été intégrés, car les cartographes avaient eu connaissance des grandes découvertes africaine puis américaine à travers les récits de voyageurs.
 
La carte reflète aussi les perceptions et connaissances de l'époque. Le continent américain par exemple a d'abord été représenté trop étalé, les cartes modifiées au fur et à mesure que s'établissaient des relevés topographiques plus exacts et que la longitude était inventée. Sans carte, et maintenant sans GPS, tout serait différent. On se recroquevillerait sur du connu, comme les Grecs de l'Antiquité qui ne s'éloignaient guère des côtes de la Méditerranée... et y vivaient pourtant une odyssée. Parfois, dans un lieu nouveau, ça me prend des heures, ou plutôt de longues minutes, pour repérer où je suis. Je me perds facilement. Je n'ai pas le sens de l'orientation.  Alors, j'essaie maladroitement de faire correspondre le plan ou la carte au réel. Quand enfin, par miracle, ou avec l'aide d'un passant, j'y arrive, il y a comme un soulagement. Cela me fait tout drôle de penser que déjà mes enfants, et tous ceux qui viendront après nous, ne connaitront pas ce soulagement de la compréhension de la carte, ni l'angoisse qui précède, tout équipés qu'ils seront d'assistants électroniques à la navigation...

jeudi 10 janvier 2013

Michka


Quand décembre est là et que la neige commence à tomber, c'est le temps de Michka. Je ressors mon vieux livre d'enfance, de la boîte de Noël où je le range soigneusement chaque début janvier. Je regarde la couverture illustrée et je me souviens du bonheur que j'avais à lire l'histoire de Michka, étant petite. Du bonheur que j'ai eu ensuite à le lire à mes enfants (même à leur âge avancé, je leur lis encore, parfois). C'est une histoire comme on n'en fait plus, une histoire de sacrifice, de bonne action, tout ce qui semble aujourd'hui une morale surannée de soumission à l'ordre social et de renoncement. Pourtant, c'est tellement beau et simple.
 
Michka est un ours en peluche, maltraité par sa propriétaire, une gamine égoïste nommée Elisabeth. Un jour, il en a marre, il décide de s'échapper, découvre la liberté, la forêt, l'immensité blanche de la neige. Un roitelet lui fait une farce. Des oies bavardent. Michka marche dans la neige, s'amuse, pense : "jamais plus je ne serai un jouet !" et on est bien d'accord avec lui.
 
Mais c'est aussi le soir de Noël, le soir où chacun doit faire une bonne action. Alors, quand Michka rencontre le renne de Noël, celui qui est chargé de la distribution des cadeaux dans les pays du Nord, il lui donne un coup de main. Puis la tournée se termine, le sac de cadeaux est vide mais il reste une maison ; la maison d'un petit garçon pauvre et malade, à qui il ne reste pas de cadeau à donner... Alors, le renne regarde Michka de ses beaux yeux profonds. Et Michka comprend, il renonce à ses serments de liberté, à la neige, aux jeux avec les oiseaux...  
"Michka fit un soupir, embrassa d'un coup d'oeil la campagne où il faisait si bon se promener tout seul et, haussant les épaules, levant bien haut ses pattes, une, deux, une deux, pour faire sa bonne action de Noël, entra dans la cabane, s'assit dans une des bottes, attendit le matin..."
Je regarde l'illustration, le petit garçon endormi dans sa chambre et Michka planté dans le sabot du petit garçon, à attendre le matin. Michka qui il n'y a pas une heure découvrait la neige et la liberté, et y a maintenant renoncé par esprit de sacrifice et pour faire une bonne action de Noël. L'émotion revient, comme à chaque fois. Je range le livre dans sa boîte, jusqu'à décembre prochain.

jeudi 15 novembre 2012

Faire la lecture

Un soir, j'étais allée écouter mon analyste présenter et commenter deux livres de Lacan, Des noms-du-père et Le triomphe de la religion. Elle en avait lu quelques extraits. C'est ainsi que mon analyste m'avait fait la lecture. Une expérience inédite. J'avais l'impression qu'elle ne parlait que pour moi, alors qu'il devait y avoir cinquante personnes dans la salle surchauffée de la librairie et que j'étais tout au fond. Elle avait évoqué le propos de Lacan mais aussi son métier et la question plus vaste du désir de l'analyste. Elle avait lu notamment tout ou partie de ce passage :
"J'écoute. De ces vies que, depuis près de quatre septénaires, j'écoute donc s'avouer devant moi, je ne suis rien pour peser le mérite. Et l'une des fins du silence qui constitue la règle de mon écoute est justement de taire l'amour." (Discours aux catholiques, p. 17).
Au long de cette intervention de mon analyste, je l'avais perçue sous un jour différent : drôle, spontanée, laissant ses mots circuler au lieu de les peser un par un comme en séance. Cela m'avait fait bizarre, d'entendre son rire et quelques anecdotes personnelles.
J'adore, qu'on me fasse la lecture, c'est une autre façon de lire, qui passe par la voix d'autrui, on n'est plus seul avec le texte. J'adore surtout qu'on me fasse la lecture au lit. Une de mes plus belles photos d'enfance, que j'ai égarée je ne sais comment (j'en suis très triste), est justement une photo où ma mère lit une histoire à ses enfants, allongée avec nous dans le lit conjugal. Un homme dans le passé m'a souvent lu des passages de livres, au lit. La plupart du temps, c'était des théories compliquées auxquelles je ne comprenais goutte, j'aimais juste écouter et me laisser bercer. Parfois, je m'endormais, comme petite fille j'aimais m'endormir au milieu des conversations des adultes, rester là, au coeur de la vie, ne pas en perdre une miette même si le sommeil était toujours le plus fort.