Il m'est arrivé de rencontrer des auteurs que j'avais lus assidument. D'abord, Daniel Pennac, que je dévorais adolescente. Je lui avait raconté, à la librairie où il signait des ouvrages ce jour lointain de ma jeunesse étudiante, que quand j'avais en main un de ses livres, je ne m'endormais pas avant de l'avoir fini. Je cheminais vers le dénouement avec fièvre, incapable de m'arrêter, enfilant les chapitres, désireuse de tout savoir du destin de Benjamin Malaussène. Pennac avait alors écrit comme dédicace : "comment veux-tu que je suive, lectrice, si tu lis en deux heures ce que j'écris en deux ans ?"

Mais cela fait longtemps que j'ai arrêté de fréquenter les salons du livre et autres signatures de libraires : pas l'âme d'un Chick poursuivant son Jean-Sol Partre. Devenir de plus en plus internaute a aussi contribué à changer mes habitudes. Je ne lis plus seulement les auteurs estampillés comme tels par un éditeur, me plonge dans des récits et autres opinions autopubliés sur le web. C'est comme ça que je suis arrivée sur une île et m'y suis installée comme lectrice, avant d'ouvrir mon propre salon où l'on cause. Cette semaine donc, ce sera différent. Je rencontrerai quelqu'un que je lis mais avec qui il y a des échanges réguliers, on se connaît, on tisse quelque chose, qui passera pour un moment de l'écrit à l'oral.
La nuit dernière, j'ai rêvé que je le cherchais partout dans sa ville et que je ne le trouvais pas, je m'étais perdue... J'en étais réduite à repartir bredouille, après avoir été chassée du seul refuge possible dans la ville, une sorte de campement de fortune, muni de lits de camps militaires. Métaphore du fait qu'on ne retrouve peut-être jamais tout à fait ceux qu'on a lus...