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lundi 26 février 2018

Soumission, Michel Houellebecq

soumission Houellebecq
Je pense avoir lu tous les romans de Michel Houellebecq.
L'extension du domaine de la lutte, ou Les particules élémentaires, j'avais adoré. Lire que nos vies sont régies par les principes du capitalisme, que l'amour est juste une façon de masquer qu'on est des produits sexuels sur un marché. Ou qu'on ne va nulle part, on ne fait que s'agiter en attendant la mort... Ca faisait rire, grincer, et ça faisait du bien.
Plus récemment, La carte et le territoire m'a bien fait voyager et amusée (il y a eu une controverse parce que Houellebecq avait repompé Wikipedia, mais ce n'est pas très important).

Arrivée au bout de la lecture de Soumission cette semaine, je me dis que finalement, un livre de Houellebecq, c'est un cocktail, toujours à peu près le même, grosso modo :

- un anti-héros cynique : un homme (jamais une femme), incapable de sentiments. En général, c'est un intello, ce qui justifie les références de tous ordres (littéraires, scientifiques, artistiques...). Dans Les particules, ils étaient deux frères, mais on suivait surtout le plus cynique des deux.

- une question d'actualité : ici, l'islam politique, après le capitalisme, le tourisme (éventuellement sexuel), ou le monde de l'art, avec des arguments pour discuter cette question qui mobilisent une bonne dose de provoc'. Et toujours, l'idée du déclin de la civilisation européenne.

- un ou des voyages du anti-héros : en France ou à l'étranger, pour résoudre ses questions existentielles, ce qui l'amène à faire des rencontres ou à entériner des ruptures.

- des femmes, du cul, et des pannes sexuelles : un anti-héros, ce n'est jamais un bon coup... Il n'est pas facilement excité, le bougre, et il n'aime que la chair fraîche, disons 20 ans maxi (ce qui se comprend puisque, incapable de sentiments, il ne peut ressentir que des satisfactions esthétiques).

Avec Soumission, une fois encore, j'ai ri, à certains moments... et me suis posé des questions, pas tellement sur l'islam politique, plutôt sur la lâcheté humaine, surtout dans le monde universitaire qui est bien décrit. Le roman montre comment on peut instaurer quelque chose qui ressemble à de la collaboration, mais sans aucune violence, avec juste un peu de stratégie, en flattant les petits egos et les bassesses. 

Comme souvent chez Houellebecq, le cocktail finit par donner un peu mal à la tête. Je ne sais pas pourquoi, cela m'a fatiguée, j'ai eu envie de sauter des passages. Je vieillis, comme Houellebecq. Son cynisme m'épuise, il n'est plus original ou inattendu : le monde entier est cynique, de nos jours.

Quelques extraits qui donnent le ton, j'ai eu du mal  à choisir. Parce que, chez Houellebecq, les extraits sont souvent meilleurs que le roman entier :

"Vêtues pendant la journée d'impénétrables burqas noires, les riches Saoudiennes se transformaient le soir en oiseaux de paradis, se paraient de guêpières, de soutiens-gorge ajourés, de strings ornés de dentelles multicolores et de pierreries ; exactement l'inverse des Occidentales, classe et sexy pendant la journée parce que leur statut social était en jeu, qui s'affaissaient le soir en rentrant chez elles, abdiquant avec épuisement toute tentative de séduction, revêtant des tenues décontractées et informes."

Michel Houellebecq, Soumission, éditions J'ai lu, p. 98 

"A une époque plus ancienne, les gens constituaient des familles, c'est-à-dire qu'après s'être reproduits ils trimaient  encore quelques années, le temps que leurs enfants parviennent à l'âge adulte, puis ils rejoignaient leur Créateur. Mais c'est plutôt vers l'âge de cinquante ou de soixante ans, maintenant, qu'il était raisonnable pour un couple de se mettre en ménage, au moment où les corps endoloris, vieillis, n'éprouvent plus que le besoin d'un contact familier, rassurant et chaste ; au moment aussi où la cuisine de terroir, telle qu'elle est célébrée par exemple dans Les escapades de Petitrenaud, prend définitivement le pas sur les autres plaisirs."

Michel Houellebecq, Soumission, éditions J'ai lu, p. 120-121

"Je mis ensuite de côté les factures et avis de prélèvement, documents faciles, qu'il me suffirait de classer dans des dossiers adéquats, afin d'isoler les correspondances de mes deux interlocuteurs essentiels, ceux qui structurent la vie d'un homme : l'assurance maladie, les services fiscaux."

Michel Houellebecq, Soumission, éditions J'ai lu, p. 183

"Et l'existence d'un débat politique même factice est nécessaire au fonctionnement harmonieux des médias, peut-être même au sein de la population d'un sentiment au moins formel de démocratie."

Michel Houellebecq, Soumission, éditions J'ai lu, p. 211

 "L'humanité ne m'intéressait pas, elle me dégoûtait même, je ne considérais nullement les humains comme mes frères, et c'était encore moins le cas si je considérais une fraction plus restreinte de l'humanité, celle par exemple constituée par mes compatriotes, ou par mes anciens collègues. Pourtant, en un sens déplaisant, je devais bien le reconnaître, ces humains étaient mes semblables, mais c'était justement cette ressemblance qui me faisait les fuir ; il aurait fallu une femme, c'était la solution classique, éprouvée, une femme est certes humaine mais représente un type légèrement différent d'humanité, elle apporte à la vie un certain parfum d'exotisme." 

Michel Houellebecq, Soumission, éditions J'ai lu, p. 217