Affichage des articles dont le libellé est David Copperfield. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est David Copperfield. Afficher tous les articles

jeudi 1 novembre 2012

Lectrice

Je suis lectrice aussi parce que je me sens bien parmi les livres. Ca a commencé gamine Après Rémi et Colette, au CP, dont j'apprenais les phrases par coeur, j'en suis venue à la bibliothèque rose, puis à la bibliothèque verte. Je passais du bon temps avec Les six compagnons, Alice détective, un peu moins Le club des cinq, mais le lisais quand même. Les mémoires d'un âne me faisaient pleurer à chaque fois, Cadichon était comme un frère, alors que Les malheurs de Sophie et autres Petites filles modèles, ça m'a toujours agacée, Camille et Madeleine dans leur perfection plastique et comportementale, et Sophie tellement pénible.

David CopperfieldUn peu plus tard, j'ai lu beaucoup de la bibliothèque Rouge et Or (c'est là que j'ai rencontré pour la première fois Robinson et Vendredi). Mais mon préféré, illustré avec des gravures à l'encre de Chine effrayantes, comme les autres volumes de la collection, était David Copperfield. Je subissais avec David la perte de la mère, la tyrannie de l'affreux beau-père, la fin de l'enfance... désespoir... et j'attendais avec impatience le rayon de soleil, quand il rencontrerait M. Micawber (celui qui lui disait, en substance, si tu as 20 shillings et que tu dépenses 19 shillings et 90 pence, il ne t'arrivera rien. Mais si tu dépenses 20 shillings et 10 pence, tu es perdu). Et encore plus, je me languissais du moment où  David retrouverait sa tante (une maniaque qui repliait et rangeait tout soigneusement après utilisation, mais qui était aimante, au fond). Comme c'était bon que mon héros ait une nouvelle maison, un refuge, un avenir. Des bonnes larmes, cette lecture, c'était comme traverser la vie en accéléré, les joies, les duretés, le rejet, l'affection, le soulagement.

Parfois aussi, j'allais à la bibliothèque, ou bien le bibliobus venait à l'école. Une fois, voulant rendre un livre, je ne l'ai pas retrouvé. On a cherché partout, retourné toute la maison : rien. Le lendemain, penaude, j'ai dû avouer à la dame du bibliobus que j'avais perdu le livre. Elle m'a regardée d'un air sévère, grondée, dit : "il va falloir rembourser, maintenant". Ni une ni deux, ma mère qui n'aimait pas être prise en faute, est allée racheter un livre, bien plus beau que celui que j'avais perdu (qui n'était plus édité). La semaine suivante, toujours penaude, j'ai porté ce livre très beau et tout neuf à la dame du bibliobus. Alors là, elle s'est soudainement transformée. Plus de gros yeux, au contraire, elle était ravie, me disait : "oh c'est bien, tant de livres se perdent et ne sont pas remplacés...". C'était donc si simple, on pouvait ne pas respecter les règles, perdre les bouquins, si on achetait quelque chose à la dame ? Ca m'a soulagée, mais mise mal à l'aise aussi. Retrouver un bouquin de la bibliothèque me prenait souvent plusieurs heures, je prenais ça à coeur, et là je m'apercevais que finalement, c'était avantageusement remplacé par un achat de maman qui avait réglé ça en 10 minutes...

Quelques semaines plus tard, en visite chez ma grand-mère, j'ai entendu : "tiens, c'est pas à toi ça ? Je l'ai retrouvé en faisant du rangement". C'était le livre. Du coup, des années après, il est encore chez mes parents...