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vendredi 28 août 2015

Avec roman

Je pourrais écrire un roman, en cinq courts chapitres.  L'histoire d'une rencontre entre un type qui écrit dans son coin et une lectrice de hasard.

Premier chapitre, Rencontre 

Soleil de juin, je portais un chemisier blanc et un pantalon noir, ma tenue de concert avant la représentation que je donnerai ce soir. Je l'attendais à cette terrasse de café. Quand son regard a croisé le mien, mon cœur a sursauté ; ensuite je suis restée en difficulté pour parler. Je souriais et écoutais, faute de mieux. C'est qu'il est différent de ce que j'imaginais. Fin et drôle. Et la jeunesse de la voix. Ca ressemblait à un rêve dont je ne voulais pas me réveiller, un rêve de découverte. Je pensais à tout ce qu'il avait écrit, que j'avais tellement aimé. Je pensais qu'enfin je le rencontrais et ça me rendait heureuse.
En même temps, j'avais à faire, cette représentation me préoccupait. Il y assistait et presque tout le temps je l'ai regardé en coin. Plus tard, des proches se sont inquiétés, ils me trouvaient bizarre, ailleurs, comment j'étais arrivée là et pourquoi j'étais incapable de répondre à telle question. Rien de grave pourtant, juste un peu perdue dans mes pensées oniriques, avec sa voix dans mon oreille. Et voilà, maintenant rentrée chez moi, je rêve encore. Soupirs.

 

Deuxième chapitre, Restaurant japonais

Quelques mois se sont écoulés. Une autre soirée face à face, devant des sushis,  à me heurter au fait que j'aurai beau faire et dire, je ne serai jamais dans son film intime. A la lisière, c'est ma place. Que demander de plus, à quoi bon hein, à part pour se faire incendier, traiter de jalouse, d'inflammable ou je ne sais quoi.
Ce qui m'anime dégouline et l'écoeure, cette gentillesse, ce pathos, ça pue et ça lui colle aux basques en plus de sentir le brûlé. Une résine dont il cherche à se débarrasser.
Justement, je me souviens que c'était vers décembre et que j'étais habillée entièrement en vert sapin. Il portait une veste de cuir. J'étais si fatiguée, j'aurais aimé m'endormir sur son épaule au café. Nous avons parlé, longtemps, trop longtemps et à la fois pas assez. Après quoi, ça a mal tourné, il a allumé la lance à incendie et j'en ai pris plein la gueule. Soupirs et pleurs. Fâcherie. Puis dissipation de la fâcherie.

 Troisième chapitre, Satyajit Ray

Au fil du temps, le feu s'est éteint, remplacé par la cendre, car le type qui écrit est le champion toutes catégories de la bonne distance. Quand le hasard nous réunit cette fois encore, je lui assigne la même place que celle qu'il m'assigne, celle du voyageur de passage. Je ne cherche plus à l'émouvoir, m'habille juste un peu pour sortir dans cet endroit où j'avais envie d'aller mais où nous ne nous rendrons finalement pas, mets une robe noire et mes chaussures à paillettes.  Il porte des chaussettes à rayures.  Ce soir là, on passe un bon moment. On marche et on dîne et on regarde un film. J'erre dans un décor qui n'est pas le mien, dans une vie tellement autre que la mienne. Ses livres me sont étrangers, ses préoccupations aussi, je ne sais d'où vient cette sensation de proximité. Les soupirs, cette fois, c'est à cause du film, les personnages, la justesse de Satyajit Ray. A la fin, il se débarrasse de moi avec délicatesse. Le lendemain, j'ouvre les yeux, je pense : c'était bien.


Quatrième chapitre, Le parc

Ce jour-là, nous avons pris le soleil. L'ombre aussi. Le soleil surtout. J'avais l'impression de retrouver un vieil ami, de lui raconter mes histoires et d'écouter les siennes. La magie du début manquait peut-être, elle s'était transformée en apaisement, on ne peut pas tout avoir. J'ai pensé que finalement je le voyais tel qu'il est vraiment, et paradoxalement qu'il resterait à jamais un mystère. Je lui ai souri. N'ai pas pris ses mains dans les miennes, cela ne lui ressemble pas.
Il était fatigué. Peut-être retrouvait-il une amie à qui il racontait ses histoires et dont il écoutait les siennes. Je me demandais s'il s'ennuyait avec moi, qu'est-ce qu'il faisait là finalement, hein, celui qui écrit dans son coin, celui qui n'attend rien de la vie ni des autres ? Toujours cette crainte qu'il ne soit venu que par politesse.
Je l'ai trouvé un peu amaigri, dans sa chemise à carreaux, me suis demandée s'il me trouvait grossie, ridée, fanée. Nous nous regardions vieillir, à travers ces rencontres sporadiques habitées et entrecoupées de récits. Peut-être étions-nous déjà un peu morts. Peut-être nous étions-nous rencontrés au soleil du temps qui passe pour nous regarder et nous écouter vieillir et puis mourir. Au moment de partir, lui faisant un dernier signe, c'est ce que j'ai pensé : que quand je le reverrai, je serai un peu plus vieille et lui aussi, que c'était ainsi. Il faisait encore beau. La nostalgie déjà m'assaillait, je l'entendais approcher doucement du fond de mon cerveau même si la joie ne m'avait pas quittée. Une petite larme a coulé sur ma joue droite, je l'ai essuyée dans un sourire.

 

Cinquième chapitre, Il n'y aura pas de prochaine fois

Cela fait quelques temps que j'ai renoncé à ces rencontres, avec tristesse. La dernière fois, l'hésitation à y aller m'a montré le chemin de la fin. C'était comme une peine qui me tenaillait, me poussait à laisser ces épisodes derrière moi, car il n'en sortirait rien de bon, que de l'indifférence muette et du faux-semblant. Il n'avait plus rien à me dire et son silence résonnait tellement fort qu'il me faisait mal aux oreilles. J'en avais marre, d'être le bon public gentiment consentant, la résine collée aux basques du type qui préfère rester dans son coin.
Il valait mieux partir alors. J'ai encore écrit quelques mots, versé quelques larmes. Et puis hop, c'était fini, ou plutôt non, ça n'en finit pas de finir car je suis comme ça, je ne sais pas finir. 
P.S: l'illustration vient du blog d'une femme qui écrit vraiment, ici

mercredi 21 janvier 2015

Lire le dentiste, (faire semblant de) lire chez le dentiste

Dentiste
Il se confirme que j'apprécie Nouveau Dentiste l'Optimiste. Un type bienveillant, qui s'enquiert de savoir si j'ai mal, fait une petite blague en passant quand la fraise s'enfonce douloureusement dans mes chairs à vif. Et il voit les choses du bon côté, t'inquiète pas, laissons faire le temps, on va la sauver ta dent. Comme j'aimerais le croire.
 Depuis toujours, je goûte le mystère et la dissimulation, preuves tangibles qu'il est possible de se soustraire au regard de l'Autre. Chez Nouveau Dentiste l'Optimiste, je suis servie. En se croisant dans le couloir, on fait mine de rien, un vague sourire, me reconnaît-il seulement, je ne sais. Ensuite, je m'installe dans la salle d'attente avec un livre, que je ne lirai pas puisque j'écoute les conversations. Dissimulation. J'entends dire que Nouveau Dentiste l'Optimiste est pénible parce qu'il est toujours en retard ; mais qu'il est tellement agréable et compétent. C'est vrai, pensé-je. Je reste longtemps, dans la salle d'attente, me faufile dans le cabinet entre deux patients, on me regarde bizarrement, je ne vais quand même pas leur dire que je me surajoute à son agenda déjà archi-plein. Je suis la première à détester les privilèges, c'est tellement énervant. Je m'énerve moi-même d'être venue, qu'est-ce que je fous là, c'est quoi cette idée qu'un copain d'un copain me soigne, n'importe quoi.
 Au bout d'un moment, l'assistante me fait entrer, elle devine la relation vaguement amicale avec son patron  puisque, la porte refermée, on s'embrasse gentiment sur les deux joues : "salut, ça va ?". Elle reste discrète, s'enquiert seulement de savoir si je suis musicienne. Non, je réponds en souriant. Pas de détails, restons dans le mystère. Nouveau Dentiste l'Optimiste se dissimule aussi, parlera surtout de ce qu'il conviendrait de faire maintenant. Je me sens gênée, de le connaître dans son environnement professionnel, sa blouse blanche doucement appuyée contre mon pull bleu ; je préférais quand on buvait un verre la semaine dernière. Peut-être que lui aussi se sent gêné, de connaître mes caries, mes couronnes, mon haleine de chacal, une intimité un peu dégoutante (existe-t-il des intimités qui ne soient pas un peu dégoutantes ?), tellement différente de la vie dehors.

On n'évoquera pas non plus ses états d'âme, ses textes mélancoliques ou ironiques qu'il m'est arrivé d'entendre chantés ou de lire, à la dérobée, par dessus une épaule familière.  Dissimulation. Représentation.

A la prochaine, alors, Nouveau Dentiste, peut-être pas si optimiste. 

dimanche 13 juillet 2014

Rendez-vous

Ecole de la cause freudienne
Je crois que ma psy n'exerce plus. Alors, sa phrase "j'attends votre appel", ne tient plus. C'est un rendez-vous qui tenait dans l'instant, l'instant d'il y a 5 ans qui me revient maintenant, mais qui ne tient plus.

Ca doit être ça, vieillir : ceux qui vous avaient donné rendez-vous ont disparu. On est seul. Les fils invisibles ne nous raccrochent plus.

mardi 24 juin 2014

Au dîner


Keep calm
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Au dîner des copines j'ai pu glisser deux phrases sur Confiteor et Le sermon sur la chute de Rome. Une fille a parlé d'Eldorado et ça m'a donné envie de le lire, mais  on est très vite passées à autre chose, ça n'intéresse plus personne, lire c'est tellement old fashioned. A la limite, discuter liseuse, Kindle contre Kobo.

Par contre traiter un type de vieux gaucho, raconter que sa femme l'a quittée pour une autre, si si c'est confirmé une autre femme, on me l'a dit à la sortie de l'école ; ou s'extasier sur une magnifique maison à 350 000 euros, pas chère parce qu'éloignée de la ville, là, c'est bien, les commentaires pleuvent. Après, se raconter qu'on risque de se faire agresser, il ne faut pas prendre de risques inutiles, les violeurs courent les rues c'est bien connu, elle ne fait plus son footing seule (moi, si, mais je n'ai pas osé le dire car quelques instants plus tôt, j'étais déjà passée pour une cinglée d'avoir mentionné ma fille rentrant seule en vélo l'autre soir, récolté un : "je ne le ferais pas"). Se plaindre des cambriolages. Se plaindre des jeunes qui fument et qui boivent, sauf bien sûr leurs enfants tellement parfaits. Faire en sorte qu'ils ne succombent pas aux jeux vidéos ou réseaux sociaux, limitons internet ce démon. Se plaindre de la qualité des soins, même en clinique rendez vous compte.  Des gens qui ne sont plus solidaires, et que tout le monde est tellement individualiste bla bla bla. Disent-elles en pensant à leurs expatriations, à leurs vacances de luxe et à moins payer d'impôts.



J'écoute mes amies, j'entends la connerie et la peur qui suintent, je ne reconnais plus rien de cette ville. Je ne combats même plus.



Je me revois, écoutant des vieux quand j'étais jeune, ressentant la même impuissance devant la connerie. Me taisant et souriant. C'est comme ça que je me fais une réputation de fille très sympa.  Keep calm. Je reprendrais bien un verre de vin.

vendredi 25 octobre 2013

Rêves

Hier, je n'ai pas réalisé un rêve d'enfant. Le rêve d'aller dîner quelque part où règnent l'apparence et la cuisine bourgeoises qui tentaient tellement la petite fille d'autrefois. Une de mes proches amies s'y rendait régulièrement avec ses parents, au retour des vacances, et nous racontait dans la cour de l'école à quel point c'était bien. Moi, je rongeais mon frein, espérant qu'un jour j'irais aussi dans ce restaurant tellement chic de la capitale (chic à mes yeux de gamine de 10 ans jamais sortie de sa ville natale).
Hier donc, je n'ai pas réalisé un rêve d'enfant, me suis contentée d'admirer l'endroit de l'extérieur, ses lampions et ses serveurs en livrée. Ca pouvait rester un rêve, je n'y tenais pas tant. Ca avait l'air bruyant et pressé. Je me suis extirpée de ma ville natale autrement et depuis belle lurette.
 
rêveHier, par hasard, s'est réalisé un autre rêve, un rêve de lectrice. Ce n'était pas un rêve longuement élaboré, rien ou presque n'en avait été pensé ni formulé. Pas un mot, les mots ne venaient pas. Mais tout déjà tourbillonnait dans mes pensées, prêt à s'agglomérer en séquence. Souvent les rêves, les souvenirs et les fantasmes cheminent et voisinent et finissent par se mélanger. C'était comme une hallucination, un songe éveillé, une plongée dans quelque chose d'étrangement familier.
Je me retrouvais dans un décor jusque là seulement idéel. Je reconnaissais le lieu pour l'avoir imaginé et imagé, comme une abstraction assez lointaine. Maintenant, j'y étais, concrètement, entièrement, immergée dans la réalité sensible. Je pouvais regarder, toucher, sentir la présence des personnages qui y étaient passés, leurs histoires.  J'y étais. Et même impliquée dedans, participant. Je regardais un film que j'avais espéré voir dans ce décor là avec cette personne là, lisais des bribes de livre, m'emmitouflais dans une couverture en écoutant des paroles et des musiques. Il faisait chaud mais j'étais bien dans cette couverture. Peut-être même y laissais-je une infime trace de mon passage, qui sait.

Un instant, je vivais dans le livre dont j'avais lu les pages. Je l'entendais vivre. Cela m'intimidait, me rendait muette, comme dissociée de moi-même, car ce n'est pas mon livre et cela me reste étranger malgré la familiarité et c'est peut-être là qu'est le bonheur pour la lectrice, dans cette intimité comme distanciée, dissociée, car le livre qui ouvre un univers et le rend mien fait à la fois obstacle à l'entrée dans le réel, le réel de l'autre et le mien, que je fuis en même temps que j'y aspire et qu'il m'aspire. Un voyage doux et sidéré dans la fiction qui me faisait perdre les pédales et les mots. Heureusement qu'une question bienvenue sur mon programme du lendemain m'en a rappelé le caractère provisoire, sinon j'y serais encore.

J'étais heureuse et je ne le savais pas, ai-je pensé au réveil, quand je suis revenue à la réalité, regardant le ciel et reprenant le cours de ma vie.

jeudi 13 juin 2013

Aomamé


Aomamé 1Q84
J'ai rencontré Aomamé. J'étais dans 1Q84 et elle me pétrissait le corps. Les méridiens invisibles. Les muscles froissés. Elle a aussi démonté le squelette, fait craquer les vertèbres, torturé le bas-ventre. Appuyé sur les jambes pour débloquer le dos. A propos de mon plexus solaire, j'ai demandé : pourquoi j'ai comme un caillou, là ? Elle a dit : on ne se connaît pas assez pour que je vous réponde. De toute façon, vous n'êtes pas prête à entendre. Je n'ai pas insisté. Je lui ai demandé si elle avait déjà lu Murakami ? Elle a dit non, j'ai beaucoup de mal avec la littérature japonaise contemporaine. Je n'ai pas insisté non plus. Je sens que je l'agace avec mes questions. Elle m'agace également avec ses semi-réponses et le bruit dans le cabinet, radio, téléphone, sonnette de la porte d'entrée, conversations avec les autres patients, manque d'intimité. Pourtant, Aomamé, à mes yeux, c'est elle.
 
Quand je suis sortie de chez elle, je n'avais plus mal nulle part, je sentais l'énergie circuler et j'avais envie de danser et de fleurs pour la maison. Il faisait beau. Elle avait pris soin de mon corps. Un ami avec qui j'avais longuement parlé avait pris soin de mon âme. Minerva aussi, à sa manière, qui devine toujours mes démons. Je me suis sentie  légère, délestée de mes soucis. Plus tard, en écoutant de la musique, le plexus solaire s'est ouvert et l'émotion m'a envahie, la tristesse soudain muée en gratitude.

lundi 26 novembre 2012

Rencontrer ceux qu'on a lus

Il m'est arrivé de rencontrer des auteurs que j'avais lus assidument. D'abord, Daniel Pennac, que je dévorais adolescente. Je lui avait raconté, à la librairie où il signait des ouvrages ce jour lointain de ma jeunesse étudiante, que quand j'avais en main un de ses livres, je ne m'endormais pas avant de l'avoir fini. Je cheminais vers le dénouement avec fièvre, incapable de m'arrêter, enfilant les chapitres, désireuse de tout savoir du destin de Benjamin Malaussène. Pennac avait alors écrit comme dédicace : "comment veux-tu que je suive, lectrice, si tu lis en deux heures ce que j'écris en deux ans ?"
Quelques années plus tard, à un salon du livre,  j'ai dit en rigolant à Tonino Benacquista que c'était l'amour qui m'avait fait le découvrir, car j'étais tombée sur La Maldonne des sleepings dans la bibliothèque de mon compagnon (hasard de la vie, tous les polars ou presque que j'ai lus l'ont été par amour). Celui-là raconte l'histoire d'un contrôleur dans le train Paris-Venise. Benacquista nous avait chambrés sur le fait qu'on faisait de bien piètres amoureux, nous qui lisions Venise mais n'y n'étions jamais allés (mon compagnon avait précisé qu'il y était allé, mais pas avec moi... ). Benacquista a alors écrit sur la page de garde de La Maldonne : "Leur premier voyage à Venise, ensemble!".
 Mais cela fait longtemps que j'ai arrêté de fréquenter les salons du livre et autres signatures de libraires : pas l'âme d'un Chick poursuivant son Jean-Sol Partre. Devenir de plus en plus internaute a aussi contribué à changer mes habitudes. Je ne lis plus seulement les auteurs estampillés comme tels par un éditeur, me plonge dans des récits et autres opinions autopubliés sur le web. C'est comme ça que je suis arrivée sur une île et m'y suis installée comme lectrice, avant d'ouvrir mon propre salon où l'on cause. Cette semaine donc, ce sera différent. Je rencontrerai quelqu'un que je lis mais avec qui il y a des échanges réguliers, on se connaît, on tisse quelque chose, qui passera pour un moment de l'écrit à l'oral.
La nuit dernière, j'ai rêvé que je le cherchais partout dans sa ville et que je ne le trouvais pas, je m'étais perdue... J'en étais réduite à repartir bredouille, après avoir été chassée du seul refuge possible dans la ville, une sorte de campement de fortune, muni de lits de camps militaires. Métaphore du fait qu'on  ne retrouve peut-être jamais tout à fait ceux qu'on a lus...

lundi 29 octobre 2012

Correspondant

Un jour, on s'est rencontré en vrai, avec mon correspondant.  Ca faisait un moment qu'on se lisait et s'écrivait, se racontait nos vies, nos cicatrices, les joies et les galères. Intimité épistolaire.
Un jour, j'ai dû aller dans sa ville, pour le travail, j'ai dû y aller parce que j'avais fait en sorte d'y aller, par curiosité. J'espérais qu'il accepterait qu'on boive un café. Il a un peu tergiversé - serait-il disponible, ce jour-là, à cette heure là ? -, finalement il a dit oui.
 
La nuit précédente, je n'ai pas bien dormi. Je me sentais prise dans des émotions contradictoires. Je me demandais comment ce serait. J'avais peur, après tout ce qui avait été échangé, dont il était devenu le dépositaire, un peu malgré moi, même si ça adoucissait la vie, de lire et d'écrire ainsi. Et le désir étrange qui m'avait amenée là, qu'on se rencontre, qu'il y ait autre chose que les mots.

Quelques minutes avant qu'on se retrouve, il m'a téléphoné. Je l'entendais sourire au bout du fil et ça m'a fait sourire aussi. J'ai pensé un instant qu'on allait passer l'après-midi à bavarder au téléphone, comme ça, qu'il ne viendrait jamais, à quoi bon... mais il est arrivé... Je l'ai reconnu tout de suite, tandis que lui ne me voyait pas ou me prenait pour quelqu'un d'autre (exactement comme lors de notre première prise de contact, en fait ; exactement comme dans l'histoire entière, en fait). On a parlé sans effort, surtout lui. Il est délicat en vrai, attentionné et discret, ai-je pensé. J'avais le coeur gonflé d'émotion, j'étais même bouleversée. J'ai cru que j'allais me mettre à pleurer. Mais non, le calme, malgré l'intensité du moment. On a marché un peu. J'ai pu lui dire qu'il était un secret bien gardé au fond de mon ordinateur. Et que mettre des talons, ce n'était pas la meilleure option pour arpenter les rues, la prochaine fois je ferai autrement. Il m'a montré des petites choses, le paysage, des morceaux de miroir. Encore maintenant, quand je me souviens, la douceur m'envahit.

J'avais un ami cher et lointain, autrefois. Je l'ai toujours su, que ça se terminerait un jour, même si j'ai espéré que ça durerait toute la vie.