Je viens de voir sur le site de l'INA l'interview d'une championne de ski des années 70. La championne n'avait pas pu disputer une course à cause d'une blessure. Elle se retrouvait à regarder les autres filles de l'équipe de France, toutes en ordre de bataille, la niaque, bonnets vissés sur les oreilles, bâtons agressifs. Le journaliste demandait à la championne comment elle allait. Elle racontait qu'au début elle avait eu de la peine, de s'arrêter et de regarder les autres continuer... que maintenant elle se résignait, ça devait arriver un jour, elle qui n'avait jamais eu d'accident...
J'aime beaucoup cette expression, "avoir de la peine", ça exprime tellement exactement ce qui se passe. Et ça me paraît très années 70. Les femmes de ma famille l'employaient, ou sa variante "ça me fait de la peine", avec un soupir ou un sourire larmoyant. Ca faisait de la peine et ça se partageait entre femmes, comme ça nous les filles on savait ce qui nous attendait, pour plus tard.
La championne dans la peine reste souriante et douce, cheveux en cascade et pull sage, ne voit pas malgré les relances faussement étonnées du journaliste pourquoi elle serait de mauvaise humeur, puisque ça n'y changera rien... Dans l'équipe de France, personne ne la consolera, c'est chacun pour soi et puis personne n'y peut rien.
Je fais pareil. Je fais la championne. J'attends d'être moins blessée, rechausser les skis, remonter la pente. Je reste souriante et douce, à quoi ça servirait d'être de mauvaise humeur.... J'avalerais bien quelques pistes, quand même, le froid et la neige ça remet les idées en place et au moins quand on se casse la gueule, on sait pourquoi.