
Lire des fleurs me transporte ailleurs, dans un village de montagne, en été.
Lire des fleurs me transforme. Campanule et moi ne faisons qu'une.
"C'est à ce moment précis que m'effleure pour la première fois l'idée que je suis une femme au milieu d'un motif finement tissé d'émotions et de temps, que bien des choses qui se produisent simultanément ont de l'importance pour ma vie, que les événements n'interviennent pas les uns après les autres, mais sur plusieurs plans simultanés de pensées, de rêves et de sentiments, qu'il y a un instant au coeur de l'instant. Bien plus tard seulement, la mémoire fera son tri et discernera un fil dans le chaos de ce qui a eu lieu. (...) Comme il m'est impossible d'énoncer beaucoup de mots à la fois, les choses semblent se passer les unes après les autres, les événements se présentent par groupes de mots qui s'organisent en lignes horizontales dans mon récit (...) En réalité, le lien entre mots et événements est d'une toute autre nature."
"Le temps a passé. Il n'y a pas si longtemps, on était encore un enfant, on jouait dans la cour, les rêves étaient encore neufs, le merveilleux, courir était une joie dans l'espace des possibles, l'air vibrait des rumeurs infinies de l'instant. Maintenant, on est presque un vieillard. Déjà. Que s'est-il passé entre temps? Ne restent que des mondes perdus dans la brume. Pas toujours beaux. Et ceux qui sont beaux, si rares, il ne faut plus trop les évoquer, car c'est tellement douloureux de les savoir disparus".Ca me bouleverse. Et bouleversée, je peux me vider de larmes tièdes qui charrient le désespoir la douleur la détresse et l'échec. Ca fait mal et ça fait du bien en même temps, ça détend. Un ami me téléphone, je pleure, ça manque de dignité je dis, il répond il n'est pas question de dignité (après, je pense que c'est vrai, il n'en est pas question, c'est l'amour qui aide à traverser). Les larmes font leur effet, comme les coups de fil, l'alcool siroté et les baisers tendres de mon compagnon. La fatigue s'installe. Je m'endors. La tristesse me réveille encore. M'envahit. C'est le milieu de la nuit. Je me sens infiniment seule et toute triste. Je pense aux mondes perdus dans la brume. Me demande ce qui m'attend, quelle brume et quel monde, maintenant.