mardi 22 septembre 2015

Roland Barthes

Fragments d'un discours amoureux
"Je ressens toujours d’une façon poignante, le fait que souvent j’écris pour être aimé. Au fond, peut-être même parfois de tel ou tel. Et en même temps, je sais très bien que cela ne se produit jamais, qu’on n’est jamais vraiment aimé pour son écriture."

 Roland Barthes, documentaire Roland Barthes (1915-1980), Le théâtre du langage

samedi 19 septembre 2015

Prenez un livre, laissez en un

Prenez un livre
Ce serait formidable que de savoir créer une si belle boîte et de l'installer près de chez soi. La photo ci-contre est québécoise. L'initiative de départ est américaine, c'est le mouvement Free Litttle Library qui consiste à échanger des livres de façon informelle et gratuite. On prend, on dépose, dans une petite biblio-maison bien abritée, c'est joli et simple.

Mon père la semaine dernière me racontait qu'il avait mis devant chez lui une cagette remplie des pommes de son jardin, avec un panneau : "servez-vous !". Ca lui faisait plaisir. Je me dis que ca me ferait tout autant plaisir de donner des livres que j'ai aimés et que je ne sais plus où mettre...

vendredi 18 septembre 2015

Stephen McCauley, Sexe et dépendance


Sexe et dépendance est tombé à pic pour me distraire. Je lisais au lit l'après-midi, un peu n'importe quoi, ce qui traînait, un 10/18 acheté chez la bouquiniste un jour où j'avais besoin de monnaie. Mon cerveau brûlait de l'intérieur depuis une semaine et l'IRM se profilait, ce qui alimentait l'hypocondrie. Les nuits étaient courtes et le moral en berne, les journées plutôt mornes. Cette histoire d'agent immobilier américain m'a fait sourire et réfléchir à la condition de l'homme (homosexuel) moderne. Le héros, ou anti-héros, s'appelle William. Il lui arrive de faire des rencontres sexuelles de hasard, il ne peut pas s'en passer mais c'est assez désespérant. Alors, il arrête, en se faisant des promesses d'ivrogne qu'il ne tiendra pas. Puis il reprend. En même temps, il essaie de vendre des appartements, ce qui lui vaut quelques péripéties supplémentaires avec des clients plus ou moins frappadingues, bardés d'exigences et de contradictions. Le dénouement est sans surprise, une bluette.

C'est amusant, un peu beauf par moments, pas de la grande littérature mais assez bien vu sur la solitude urbaine, le désenchantement de la quarantaine et l'atmosphère post-11 septembre à Boston.

lundi 31 août 2015

Janne Teller, Guerre

GuerreA chaque fois que j'entends comment des réfugiés se font refouler sans ménagement aux portes de l'Europe, après avoir tout quitté, dépensé des fortunes et souffert des mois pour la rejoindre, je pense à ce livre extraordinaire de Janne Teller, Guerre, Et si ça nous arrivait ?. Un livre court, en nombre de pages, petit, format passeport, c'est fait exprès, et immense par la force du message qu'il véhicule. Il nous met dans la peau du réfugié - ou du migrant, comme on dit maintenant, comme pour garder l'autre à distance, avec ce mot qui ne dit rien des raisons pour lesquelles on doit un jour quitter sa maison.
 
Un dictateur et "son idée d'une Europe française" ont déclenché la guerre. Alors, n'en pouvant plus des privations, du manque d'eau, de nourriture, de chauffage, ta famille française et toi avez dû fuir vers le Sud. Vous vous êtes retrouvés dans un camp de réfugiés, avec les autres Européens, surtout les Scandinaves dont il vaut mieux se méfier.  Puis, finalement, avec un permis de séjour en Egypte, sous un soleil de plomb. Les années ont passé, tu n'as pas pu faire les études que tu aurais pu faire si tu étais resté en France. Maintenant, tu ne sais plus d'où tu es ni où tu as envie d'aller.
 
 En peu de pages, on comprend tout. Les "migrants" deviennent des humains, comme nous. C'est salutaire. C'est nécessaire.
 

Extraits :

"Votre famille, maintenant, se résume à un chiffre : cinq. Aucun pays n'est prêt à accueillir cinq réfugiés de plus. Des réfugiés qui, comme le disent les honnêtes gens, ne parlent pas la langue, ne savent pas se conduire en société - ils ne savent ni respecter leur voisin, ni recevoir un hôte, ni veiller sur la vertu des femmes. Des réfugiés qui ne savent pas vivre avec la chaleur. Non, pas un pays qui veut de ces décadents venus de l'autre rive de la Méditerranée. De ces libres penseurs qui ne feront que pervertir les mœurs des bons croyants. Ces hommes-là ne peuvent pas non plus travailler. Ils ne parlent pas l'arabe et ne sont pas habitués à trimer. Les réfugiés européens ne savent rien faire d'autre qu'être assis à un bureau et brasser du papier. Personne n'a besoin de ça. Voilà ce qu'on dit dans le monde arabe, le monde le plus proche qui soit encore en paix et offre une possibilité d'avenir".

Janne Teller, Guerre, p. 16-17
 
"La vie est dure. Rien n'est comme avant. Il n'y a pas de travail, et surtout pas quand on est étranger et qu'on ne parle pas la langue. Souvent, des gens s'énervent après toi dans la rue. Au marché, on te vend les moins beaux légumes; au café, tu attends plus longtemps que les autres. Tu as les cheveux bruns et la peau mate, mais tu ne peux pas dissimuler tes yeux bleus."

Janne Teller, Guerre, p. 35
 
"Tu te maries avec Carine. Pour les aider, elle et sa famille. Puis, à ton retour en Egypte, tu fais une demande de regroupement familial. Les lois ont été assouplies depuis le départ d'un grand nombre de réfugiés.
C'est bon d'avoir Carine auprès de toi. Le fait de se connaître depuis avant la guerre ressemble à s'y méprendre à de l'amour.
Tes parents aussi sont contents. Au moins, vous n'aurez pas de problème d'ordre culturel tous les deux et, quand la situation se sera améliorée en France, vous pourrez rentrer ensemble."

Janne Teller, Guerre, p. 46-47
 
 
"Vous avez obtenu un permis de séjour permanent dans votre nouveau pays. Vos enfants sont nés avec la nationalité égyptienne. Leur première langue est l'arabe et, bien qu'ils soient chrétiens, ils connaissent mieux le Coran que la Bible. Tu te sens comme chez toi au café d'à côté ; tu es ami avec le cordonnier et le fils du concessionnaires de voiture ; au marché, on te vend les meilleurs produits.
Et pourtant, tu es un étranger. Et pourtant, tu penses sans cesse au jour où tu pourras rentrer chez toi."

Janne Teller, Guerre, p. 50