dimanche 13 juillet 2014

Rendez-vous

Ecole de la cause freudienne
Je crois que ma psy n'exerce plus. Alors, sa phrase "j'attends votre appel", ne tient plus. C'est un rendez-vous qui tenait dans l'instant, l'instant d'il y a 5 ans qui me revient maintenant, mais qui ne tient plus.

Ca doit être ça, vieillir : ceux qui vous avaient donné rendez-vous ont disparu. On est seul. Les fils invisibles ne nous raccrochent plus.

vendredi 4 juillet 2014

Insomnie (avec Jérôme Ferrari)

Insomnie, Jérôme FerrariNuit d'insomnie avec Jérôme Ferrari. Je tournais dans les draps, écoutant le souffle paisible de mon compagnon, espérant qu'il me contaminerait de sa tranquillité de corps et d'esprit. A un moment, lasse d'attendre, je me suis décidée à attraper mes lunettes, et ce Un dieu, un animal pas encore ouvert et avec lequel j'avais peur de m'ennuyer, rapport à l'expérience précédente d'Aleph zéro. Me suis affalée sur le canapé telle un cachalot échoué sur la plage, nouée de ces angoisses qui se réveillent dans l'obscurité, qu'il faut supporter jusqu'à ce qu'elles passent. Aux premières pages, me voilà prise et surprise. Pas commencé depuis cinq minutes que je me noie dans des phrases de dix lignes de long, des considérations qui commencent à l'adolescence et parsèment une vie d'homme, des histoires de deuil et de village. Jérôme Ferrari a de ces fulgurances, j'en ai fini le bouquin, au petit matin. C'est bien plus profond que Le sermon sur la chute de Rome. La même écriture lente et forte mais dans une veine plus tragique, au service de l'errance et de la solitude. L'amitié entre des garçons devenus mercenaires par hasard, par désoeuvrement, par ras-le-bol du village ; la guerre ; le souvenir d'une fille qui marque l'un d'eux, le fait revenir vers elle un instant, puis s'éloigner. On voudrait croire un moment en l'amour, mais ça ne dure pas car les anciens mondes ne reviennent jamais. A la fin,  il ne reste que la disparition ou le retour à la norme ; la vie, c'est marche ou crève, voilà la morale de l'histoire, en tout cas celle que je ré-interprète dans mon habit de cachalot ensommeillé et surexcité à la fois.

L'insomnie avec Jérôme Ferrari, ça laisse comme une sorte de fièvre, ça donne envie de recopier citation sur citation. Tu te retrouves à corner des pages comme une malade. Et puis à recopier, aujourd'hui, un peu comme à l'école, hein, d'ailleurs Ferrari est prof.

"Il fait apporter une bouteille de whisky et un seul verre, il t'a servi à boire et il a dit, certains pensent qu'ils sont venus pour l'argent, d'autres doivent inventer chaque jour la raison pour laquelle ils sont ici, mais, toi et moi, nous savons la vérité depuis le début, nous n'avons pas besoin de nous raconter de conneries, nous ne mentons pas, nous sommes venus pour la guerre, la seule raison valable, la guerre, ces histoires de défaite et de victoire ne nous intéressent pas, laisse ça aux Arabes, laisse ça aux Américains, tu vaux mieux que ça, et tu as acquiescé mais tu t'es dit qu'il commençait à t'emmerder avec sa philosophie nazie." p. 17
 "L'émotion se répand comme un gaz toxique", p. 27

"Elle sait bien que le charme irrésistible des vies qu'on n'a pas eues, c'est qu'elles n'existent pas. Les regrets n'ont aucun sens. Elle n'a renoncé à rien. Elle a simplement ajusté ses choix en fonction de ce qu'elle était et à quoi elle ne pouvait rien. Elle a fait de son mieux. Elle a suivi toutes les règles. Les règles visibles, les règles cachées. Les règles de la réussite professionnelle, les règles de l'épanouissement individuel. Il n'est pas possible de désigner un coupable. Les choses tournent mal. Car les hommes ont besoin, pour vivre, de quelque chose de plus grand qu'eux et, en désignant ce qui est grand, ils ne donnent que leur propre mesure." p. 53-54

"Tu lui assures que tu ne méprises personne mais elle ne te croit pas, elle dit qu'il n'y a rien de plus facile que de tourner les gens en ridicule mais qu'il est inévitable qu'ils s'attachent à leur travail et le trouvent important, comment vivraient les hommes s'ils étaient incapables d'accorder de l'importance à ce qu'ils font ? comment as-tu vécu toi-même ? et tu lui fais remarquer que c'est un sujet que tu n'as même pas abordé mais elle ne t'écoute pas, je t'ai vu, répète-t-elle, je t'ai vu, et plus elle parle, plus elle est en colère, il faut faire preuve d'un peu de bienveillance, tout le monde a droit à un peu de bienveillance, pas seulement toi, mais les autres aussi, tu ne peux pas dire aux gens que leur vie ne vaut rien, tu ne peux pas juger le monde comme ça et, encore une fois, elle se sent déborder d'un inexplicable amour fraternel pour ses collègues et elle est soudain triste et désabusée parce que tu as rejeté une part d'elle-même." p. 92-93

dimanche 29 juin 2014

Dormir longtemps

Dormir
J'ai dormi longtemps. Rêvé semi-éveillée qu'un homme me tenait dans ses bras et me caressait les cheveux, c'était doux. Je ressens moins de désir sexuel et plus de désir de tendresse, je vieillis, ai-je pensé dans un demi-sommeil. Avant de faire une liste mentale de courses, ne pas oublier le shampoing et le chocolat. M'est revenu aussi que je n'avais pas encore répondu à des mails de boulot. Il vaudrait mieux décliner cette responsabilité qu'on me propose. Savoir dire non. Depuis combien de temps n'ai-je pas passé une journée entière sans allumer l'ordinateur ni consulter mon téléphone portable ? Des siècles... serais-je capable de ne pas travailler, d'oublier tout ça ? Faire un test, aux prochaines vacances, pour voir ? Mais alors, il ne restera plus rien.

Le rayon de soleil passant dans la lucarne doucement se posait sur le lit et j'avais envie de me rendormir. J'ai somnolé, un peu, laissé vagabonder mes pensées vers mon compagnon dont je sentais l'absence avec ma main gauche, déjà levé comment il fait, quelle énergie, mes enfants qui dormaient, les embrasser longuement ce matin c'est le week-end, maman, papa,  Sensei je me demande comment il va, Venus à qui je devrais porter des framboises s'il en reste, Minerva et Origami mes copines, l'ancien amant, toi aussi tu as vieilli, Darling, peut-être ressens-tu moins de désir sexuel et plus de désir de tendresse... Je vais cuisiner un filet mignon aujourd'hui. J'aime bien la dame qui encaisse les fruits et légumes au magasin, toujours le mot pour rire. Ca fera une chouette ratatouille.


J'ai dormi longtemps pour mieux me replonger dans ma discothèque intime, car on a chacun ses vieux disques rayés qu'on écoute tout le temps et qu'on fait subir aux autres, comme dit mon correspondant, artisan habile de métaphores à qui je pense aussi, bien tranquille dans mon lit. Misanthropie, n'importe quoi, je ne fais que penser à des gens (des Jean), ne peux m'en abstraire. De ceux que j'ai choisis.
Aujourd'hui je mettrai mon pantalon bleu et mon t-shirt orange, refaire le vernis à ongles des pieds en mandarine, ce sera plus joli. Aller courir, pourquoi pas.

Ou ne rien faire, rester là, sourire. Je sens mes rides se plisser quand je souris, plus le temps va passer plus je serai comme ma grand-mère, une vieille pomme ridée.


Jouer avec le drap. Prendre un livre. En attrapant le premier roman de Jérôme Ferrari, Aleph Zéro, je me rends compte qu'il m'échappe sans cesse, pas seulement des mains. Je n'arrive pas à m'y accrocher, malgré plusieurs tentatives ces derniers jours. C'est trop décousu, alambiqué, intello qui se la pète. Qu'il mentionne  Clément Rosset et Jorge Luis Borges ne change rien à l'affaire, même si on y trouve déjà l'idée, tellement bien exploitée dans Le sermon sur la chute de Rome, des mondes qu'on se construit puis auxquels on ne comprend plus rien. Là, c'est un monde étrange que celui du personnage principal, un mix de physique quantique et de salle des profs, dans lequel on s'ennuie terriblement. Je soupçonne comme une arnaque d'éditeur, pour une fois qu'ils ont un Goncourt, chez Actes Sud.

mardi 24 juin 2014

Au dîner


Keep calm
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Au dîner des copines j'ai pu glisser deux phrases sur Confiteor et Le sermon sur la chute de Rome. Une fille a parlé d'Eldorado et ça m'a donné envie de le lire, mais  on est très vite passées à autre chose, ça n'intéresse plus personne, lire c'est tellement old fashioned. A la limite, discuter liseuse, Kindle contre Kobo.

Par contre traiter un type de vieux gaucho, raconter que sa femme l'a quittée pour une autre, si si c'est confirmé une autre femme, on me l'a dit à la sortie de l'école ; ou s'extasier sur une magnifique maison à 350 000 euros, pas chère parce qu'éloignée de la ville, là, c'est bien, les commentaires pleuvent. Après, se raconter qu'on risque de se faire agresser, il ne faut pas prendre de risques inutiles, les violeurs courent les rues c'est bien connu, elle ne fait plus son footing seule (moi, si, mais je n'ai pas osé le dire car quelques instants plus tôt, j'étais déjà passée pour une cinglée d'avoir mentionné ma fille rentrant seule en vélo l'autre soir, récolté un : "je ne le ferais pas"). Se plaindre des cambriolages. Se plaindre des jeunes qui fument et qui boivent, sauf bien sûr leurs enfants tellement parfaits. Faire en sorte qu'ils ne succombent pas aux jeux vidéos ou réseaux sociaux, limitons internet ce démon. Se plaindre de la qualité des soins, même en clinique rendez vous compte.  Des gens qui ne sont plus solidaires, et que tout le monde est tellement individualiste bla bla bla. Disent-elles en pensant à leurs expatriations, à leurs vacances de luxe et à moins payer d'impôts.



J'écoute mes amies, j'entends la connerie et la peur qui suintent, je ne reconnais plus rien de cette ville. Je ne combats même plus.



Je me revois, écoutant des vieux quand j'étais jeune, ressentant la même impuissance devant la connerie. Me taisant et souriant. C'est comme ça que je me fais une réputation de fille très sympa.  Keep calm. Je reprendrais bien un verre de vin.