mardi 4 juin 2013

The ghost

The ghost is back. Each time I have a look at my page, he is there. As always with the ghost, I have to force myself not to give meaning to his presence. He is there because he wants to be there, or hasn't realized he was there. It has nothing to do with me.

It has nothing to do with me. The rest is only in my brain.

Marc Chagall, Au dessus de la villeWhen the ghost was alive, a long time ago, any little thing in my daily life would become a sign of his presence. Thinking of him when opening my eyes in the morning. Thinking of him when brushing my teeth. When listening to a song on the radio. When smoking or drinking some red wine. He was like a piece of my brain, like a continuous TV channel switched on, like a big cloud invading any small part of my sky. I was constantly reminded of him.

When he disappeared from my life, it was a long grieving process to get out from him. The most difficult thing to kill is your own thoughts, to switch off the channel. To see the toothbrush or the clouds, when there's nothing else to see. To remember constantly that the ghost has gone and has nothing to do with me now. It took me years.

I don't like to get to the same webspace or page as him, because it gets me back to the grieving process and to him, to some extent. I have to make efforts, I have to resist. Exhausting.

vendredi 31 mai 2013

Lire des copies



Je me souviens de mon professeur de philosophie au lycée qui disait détester corriger des copies. Il était très lent, rendait les corrections après plusieurs semaines, levait les yeux au ciel quand nous lui réclamions nos devoirs, l'air las. Le jour où il en avait fini avec son pensum, on le sentait détendu, délivré, c'est le moment qu'il choisissait pour glisser un clin d'oeil ou une blague quelconque. Je ne comprenais pas, quand moi je mettais tant de coeur à écrire de belles dissertations. J'étais jeune et bête, il faut dire.
 
Le temps a passé. Je suis moins jeune (moins bête ? moins bardée de certitudes plutôt) et maintenant, je comprends intimement cet ancien professeur de philosophie. Je ne l'ai jamais compris aussi intimement que depuis que chaque semestre, je dois me prêter à l'exercice de la correction de copies. 
correction de copieJe n'arrive pas à m'y mettre, repousse le moment, évite de regarder la pile sur mon bureau, m'invente mille activités urgentes, des problèmes à régler, des rendez-vous, des opérations essentielles, des conversations sans fin. Quand vraiment je n'ai plus le choix car la date-limite approche, que la pression monte, je m'y colle. C'est toujours à la dernière minute et je suis bien connue au secrétariat pour dépasser les délais, parce que non contente de commencer en retard, j'y passe beaucoup de temps. Trop. Une fois que je m'y suis mise, c'est plus fort que moi, la lectrice reprend le dessus. Elle s'acharne à disséquer, commenter, interroger l'argumentation ; comme si je recevais chacun des auteurs de ces copies en tête-à-tête. L'imagination travaille, autant que le stylo. Je me représente la personne qui a écrit la copie : la charmante jeune fille ou le caïd du fond de la classe ? Me demande si tel trait d'esprit était volontaire. Comment ça se fait que je n'ai pas entendu un tel lyrisme, ce semestre, à l'oral. 15 minutes, un devoir, 15 petites minutes pour juger de trois heures et même de trois mois de travail. Rarement plus, les heures s'enchaînent, il faut corriger, noter, valoriser, sanctionner. Les pauvres petits, je me dis parfois, qui suis-je pour les juger, c'est le hasard de la vie qui m'a placée là. Devant une copie blanche, je note "copie blanche : 0", ça me serre le coeur.

Quand j'en termine enfin avec mon pensum, fatiguée d'avoir lu des dizaines de versions du message initial, je me sens légère. C'est souvent le moment que je choisis pour glisser à ceux que je croise un clin d'oeil ou une blague quelconque. Ainsi va la vie, comme on disait au lycée... Je me souviens de mon professeur de philosophie, un esprit rebelle qui militait pour la suppression des notes et l'exigence d'une connaissance rigoureuse. Une autre époque.

mardi 28 mai 2013

Patchwork citationnel

Moby DickQuand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu’il est grand temps de prendre le large.

Melville, Moby Dick

 
 
Le Petit PrinceSi je vous ai raconté ces détails sur l'astéroïde B 612 et si je vous ai confié son numéro, c'est à cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: "Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il préfère ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?" Elles vous demandent: "Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ?" Alors seulement elles croient le connaître. Si vous dites aux grandes personnes: "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes sur le toit..." elles ne parviennent pas à s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: "J'ai vu une maison de cent mille francs." Alors elles s'écrient: "Comme c'est joli !"

Saint-Exupéry, Le Petit Prince

 
L'insoutenable légèreté de l'êtreSi chaque seconde de notre vie doit se répéter un nombre infini de fois, nous sommes cloués à l'éternité comme Jésus-Christ à la croix. Cette idée est atroce. Dans le monde de l'éternel retour, chaque geste porte le poids d'une insoutenable responsabilité. C'est ce qui faisait dire à Nietzsche que l'idée de l'éternel retour est le plus lourd fardeau.
Si l'éternel retour est le plus lourd fardeau, nos vies, sur cette toile de fond, peuvent apparaître dans toute leur splendide légèreté.
Mais la pesanteur est-elle vraiment atroce et belle la légèreté ?

Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être





Objet a. Selon J.Lacan, objet cause du désir.
ENCYCL. L'objet a [petit a] n'est pas un objet du monde. Non représentable comme tel, il ne peut être identifié que sous formes d'"éclats" partiels du corps, réductibles à quatre : l'objet de la succion (sein), l'objet de l'excrétion (fèces), la voix, le regard.

Roland Chemama (dir.), Dictionnaire de la psychanalyse

 Un style, c’est arriver à bégayer dans sa propre langue. C’est difficile parce qu’il faut qu’il y ait nécessité d’un tel bégaiement. Non pas être bègue dans sa parole, mais être bègue du langage lui-même. Etre comme un étranger dans sa propre langue. Faire une ligne de fuite. Les exemples les plus frappants pour moi: Kafka, Beckett, Gherasim Luca, Godard.

 
Gilles Deleuze, Claire Parnet, Dialogues

vendredi 24 mai 2013

Patchwork olfactif

Patrick Süskind, Le parfumLa rose juste éclose
Le parfum chic
L'humidité dans la maison
Des draps frais
Les odeurs de sauce dans la cuisine
La lavande dans les champs
La menthe juste cueillie, la ciboulette, la sauge ou le persil
Le lilas au printemps
La peau du cou de mes enfants
La crème hydratante
La terre
L'air marin
Les épices au marché
L'air lourd et la puanteur des villes
Un feu qui crépite
Le corps d'un homme aimé

Tant et tant à respirer.