samedi 11 février 2017

Vintage

Ces temps-ci, j'ai des accès de nostalgie. Des lieux, des souvenirs du passé remontent à la surface. Des personnes me hantent, des sensations jamais retrouvées. Je me demande comment et pourquoi ça a tourné comme ça, même s'il n'y a rien à comprendre, c'est juste la vie...

Je suis la gardienne d'un passé révolu.

Une proche, moquant gentiment ma jupe en flanelle grise des années 70 ou 80 (Gaston Jaunet, le comble du chic de l'époque, que je porte précieusement car elle a appartenu à une amie chère), me dit ah là là mais c'est pas possible cette nostalgie, c'est pas moderne. Pas étonnant que tu aimes tellement le vintage.

Je n'ai rien dit, juste souri, mais j'aurais du répondre qu'en réalité, je chéris le passé, pas le vintage. Le passé, c'est la modernité d'autrefois. Le vintage, c'est ce truc revisité, insipide, c'est ce qui reste quand on a oublié le passé. C'est ce qui est réinventé du passé, ce faux vieux que fabriquent les magazines de design, qui veulent nous faire vivre dans du formica parce qu'on est en 2017, et qu'ils sont tellement nuls pour inventer qu'ils copient autrefois dans aujourd'hui. Une vague imitation, le contraire du passé.


mardi 20 décembre 2016

Berlin

Hier donc, c'était Berlin. Une dizaine de morts et une cinquantaine de blessés au marché de Noël.

Un peu avant, Ankara, l'ambassadeur de Russie en Turquie, j'ai pensé à l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand. Au fait qu'au moment du déclenchement de la première guerre mondiale, les Européens continuaient leur vie comme si de rien n'était, la plupart dansaient et chantaient et ripaillaient. Ils ne se doutaient de rien. Nous, on se doute mais on ne fait rien.

Juste un peu avant encore, Istanbul, double attentat, une cinquantaine de morts et environ 150 blessés. La liste est longue. Les Etats sont impuissants. Nous sommes impuissants.

Après, j'ai pensé aux ailes du désir, un très beau film, auquel je n'avais pas compris grand chose dans les années 1980. Il ne me laisse que peu de souvenirs, je ne l'ai jamais revu. Je me souviens juste avoir adoré regarder ces anges humains au-dessus de la ville, si élégants avec leurs pardessus et les ailes sur le dos. On en aurait bien besoin, là. 

dimanche 6 novembre 2016

Pour trois couronnes, roman

Pour trois couronnes
Pour trois couronnes, de François Garde, est un roman auquel on s'accroche de bout en bout. On aura voyagé beaucoup, de New York où commence l'histoire à Bourg-Tapage, une île française (imaginaire mais tellement réelle) des mers australes, en passant par Dijon, Paris et Beyrouth. Et on se sera posé bien des questions sur la vie, l'héritage, la construction politique des repères "identitaires", la guerre civile, le vol, le temps qui passe aussi. Le roman commence par un étrange récit de jeunesse : un homme d'affaires, qui vient de mourir, laisse un petit texte relatant un épisode de ses 20 ans. Il était marin, avait fait escale dans un port, s'était vu aborder par un type qui lui avait demandé rien moins que de coucher avec une femme inconnue, contre de l'argent... Le marin avait obtempéré, couché avec la femme masquée, obtenu 3 couronnes d'or, puis il avait repris le bateau, s'était installé aux Etats-Unis où il avait fondé une compagnie de commerce maritime.

Le temps s'est écoulé, l'homme d'affaires français vivant aux Etats-Unis est mort, après avoir amassé une impressionnante fortune. Sur requête de sa veuve, un "curateur aux documents privés", profession inventée par le narrateur et qui consiste à trier les documents et affaires personnelles des personnes décédées,  s'attelle à enquêter sur l'épisode de jeunesse. C'est plein de détails passionnants sur les recherches dans les archives et les enquêtes auprès de témoins ou de spécialistes de tel ou tel sujet. De recoupement en recoupement, le narrateur/curateur reconstitue l'itinéraire du marin devenu homme d'affaires. Il se retrouve à Bourg-Tapage, une société insulaire non seulement hiérarchisée socialement, mais surtout fortement clivée politiquement entre "insulaires" et "non insulaires". Des affrontements violents, une guerre civile, ont eu lieu il y a peu. Les cendres du conflit du temps des "Troubles" ne sont pas éteintes.

On lit des pages formidables sur la construction des clivages politiques, qui résonnent avec une grande justesse. Par exemple, p. 130 :

"Je ne connais pas de douleur plus brutale et plus intime que cet effroi : entendre un politicien annoncer que vous n'êtes pas d'ici. Il ne parle pas de vous chasser, de vous exclure, de vous menacer. Il dit, simplement, et devant une foule qui trépigne de joie et applaudit, que tels et tels ne sont pas d'ici, et vous savez en l'écoutant, et chacun sait que vous faites partie de ceux qu'il signale ainsi. Lui et les siens se sont donné le droit de trier, de trancher dans ce qui était indifférencié jusqu'alors, de séparer, de se mettre, eux, du bon côté, du côté des gens d'ici. Et vous, de l'autre côté de cette barrière qu'ils viennent d'inventer : ailleurs, n'importe où, mais pas avec ceux d'ici.
Vous, bien sûr. Et pas davantage votre père âgé, votre soeur, le voisin du fond du jardin, l'épicier, le chauffeur, l'institutrice.
Et pourtant, d'une manière absolue et craintive, vous savez que sans avoir à demander d'autorisation à quiconque, vous êtes d'ici, vous ne pouvez pas ne pas l'être. Vous y êtes né. Tout ce que vous possédez est ici, et tous vos amis, vos projets, vos souvenirs, vos ambitions, vos remords."

Et puis, parfois, on lit comme un aphorisme :

"Une vie, ce n'est pas seulement la somme des choix que l'on a faits. Elle est cette somme, multipliée par le regard des autres, et divisée par le coefficient indescriptible du hasard."


François Garde, Pour trois couronnes, Folio


Le trouble procuré par le livre vient de ce qu'il est étrangement plausible. Très bien documenté ou très bien imaginé, on ne sait. Et chaque épisode maintient sur le qui-vive.

mercredi 19 octobre 2016

Encore une lectrice

Un tableau beau et apaisant, la lectrice s'endort sur son livre. 

Oeuvre d'Emma Irlam Briggs (1867-1950) intitulée "A book at bedtime".