mercredi 8 juillet 2015
vendredi 3 juillet 2015
Kafka on the Shore - Kafka sur le rivage
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And you really will have to make it through that violent, metaphysical, symbolic storm. No matter how metaphysical or symbolic it might be, make no mistake about it: it will cut through flesh like a thousand razor blades. People will bleed there, and you will bleed too. Hot, red blood.
You'll catch that blood in your hands, your own blood and the blood of others. And once the storm is over you won't remember how you made it through, how you managed to survive. You won't even be sure, in fact, whether the storm is really over. But one thing is certain. When you come out of the storm you won't be the same person who walked in. That's what this storm's all about."
Haruki Murakami, Kafka on the Shore
"Parfois, le destin ressemble à une tempête de sable qui se déplace sans cesse. Tu modifies ton allure pour lui échapper. Mais la tempête modifie aussi la sienne. Tu changes à nouveau le rythme de ta marche, et la tempête change son rythme elle aussi. C'est sans fin, cela se répète un nombre incalculable de fois, comme une danse macabre avec le dieu de la Mort, juste avant l'aube. Pourquoi ? Parce que la tempête n'est pas un phénomène venu d'ailleurs sans aucun lien avec toi. Elle est toi même et rien d'autre. Elle vient de l'intérieur de toi. Alors la seule chose que tu puisses faire, c'est pénétrer délibérément dedans, fermer les yeux et te boucher les oreilles afin d'empêcher le sable d'y entrer, et la traverser pas à pas. Au coeur de cette tempête, il n'y a pas de soleil, il n'y a pas de lune, pas de repère dans l'espace ; par moments, même, le temps n'existe plus. Il n'y a que du sable blanc et fin comme des os broyés qui tourbillonne haut dans le ciel. Voilà la tempête de sable que tu dois imaginer.
C'est un fait, tu vas réellement devoir traverser cette violente tempête. Cette tempête métaphysique et symbolique. Mais, si symbolique, si métaphysique qu'elle soit, ne te méprends pas : elle tranchera dans ta chair comme mille lames de rasoir affûtées. Des gens saigneront, et toi aussi tu saigneras. Un sang chaud et rouge coulera. Tu recueilleras ce sang dans tes mains : ce sera ton sang, et le sang des autres.
Une fois la tempête passée, tu te demanderas comment tu as fait pour la traverser, comment tu as fait pour survivre. Tu ne seras pas très sûr, en fait, qu'elle soit vraiment achevée. Mais sois certain d'une chose : une fois que tu auras essuyé cette tempête, tu ne seras plus le même. Tel est le sens de cette tempête."
Haruki Murakami, Kafka sur le rivagedimanche 28 juin 2015
Lire un maximum en un minimum de temps
En ce moment, comme tous les ans à pareille époque, mon métier consiste à lire un maximum de pages en un minimum de temps. L'exigence est sans limite. Papiers de recherche, projet à lancer, compte-rendu de réunion, copies d'examens, mémoires avant soutenance etc.
Lire, annoter, dévorer les pages en vitesse ; commenter, plus vite, toujours plus vite, tout en s'intéressant suffisamment pour ne pas avoir tout oublié au moment de discuter les contenus, dans quelques heures ou quelques jours.
Lire, annoter, dévorer les pages en vitesse ; commenter, plus vite, toujours plus vite, tout en s'intéressant suffisamment pour ne pas avoir tout oublié au moment de discuter les contenus, dans quelques heures ou quelques jours.
Voilà ma mission, voilà ce qui m'envahit, m'obsède, m'étourdit, m'empêche de dormir.
Lire malgré la chaleur étouffante à mon bureau, sous le toit, et le bruit des voisins qui se baignent dans leur piscine (bien fraîche). Lire malgré la tentation constante de faire un tour sur l'e-mail, le téléphone portable, un réseau social quelconque, ce blog aussi. Lire en laissant de côté cette idée de téléphoner à une amie, à ma mère, à un ami, ce serait trop long et compliqué. Boire un verre d'eau avec des glaçons, un café sans sucre, soupirer, s'y remettre, allez courage.
C'est une mission pénible, éreintante.
En lisant je rêvasse, pensant que dans quelques heures, j'aurai avancé et cuisinerai un bon repas. Que dans une quinzaine, ça ira mieux, enfin je pourrai aller à la piscine, rester au lit ou flâner en ville ou peut-être, me promener dans Paris. Que Machine m'a dit ceci l'autre jour, ça m'a fait sourire, et que Truc avait affirmé cela, autrefois, comme ça m'avait fait souffrir. Le petit monde lové au creux de mon cerveau se réveille, se déploie malgré moi. Je pense aux petits personnages de 1Q84, les Little People. Je me dis que mes Little People reviennent me distraire, me hanter. Qu'il serait sûrement plus confortable d'oublier, que je ne peux pas, comme je ne peux jamais me concentrer complètement.
C'est ainsi, quand quelque chose devrait occuper l'esprit, l'inconscient fait en sorte d'y échapper.
mardi 9 juin 2015
Mudwoman
Je me demande pourquoi on m'a offert ce livre, Mudwoman. C'est l'histoire d'une femme universitaire, la première femme présidente d'une grande université américaine de l'Ivy League, qui subit un colossal burn-out. Bien que cette femme soit solide, compétente, intelligente, on voit petit à petit ses défenses s'effondrer ; son identité, construite par strates successives et douloureuses, disparaître.
La femme perd de vue sa ville d'enfance et ses parents adoptifs quaker tellement aimants. N'a plus de contact avec son amant astronome, marié et très bizarre en son obsession pour l'univers.
La femme se voit contestée par les étudiants et les membres du C.A de l'Université. Pourtant, elle s'efforce de servir avec honnêteté et sans abandonner ses convictions pacifistes, dans le contexte difficile du déclenchement de la guerre en Irak.
La femme ne se reconnaît aucun ami.e (c'est un point commun que nous avons : je clame souvent n'avoir pas d'ami.e, dans le boulot, que des collègues. On me trouve dure mais ça me semble bien plus commode, on ne perd pas de vue que l'objectif de la relation est avant tout professionnel. Pourquoi se raconter qu'on est ami.e.s quand on ne l'est pas).
La femme perd de vue sa ville d'enfance et ses parents adoptifs quaker tellement aimants. N'a plus de contact avec son amant astronome, marié et très bizarre en son obsession pour l'univers.
La femme se voit contestée par les étudiants et les membres du C.A de l'Université. Pourtant, elle s'efforce de servir avec honnêteté et sans abandonner ses convictions pacifistes, dans le contexte difficile du déclenchement de la guerre en Irak.
La femme ne se reconnaît aucun ami.e (c'est un point commun que nous avons : je clame souvent n'avoir pas d'ami.e, dans le boulot, que des collègues. On me trouve dure mais ça me semble bien plus commode, on ne perd pas de vue que l'objectif de la relation est avant tout professionnel. Pourquoi se raconter qu'on est ami.e.s quand on ne l'est pas).
M.R., Meredith Ruth Neukirchen, c'est ainsi qu'on l'appelle, quand on ne l'appelle pas Merry ou Jewell ou secrètement Jedina, M.R. est surmenée. Elle est en butte à des cauchemars horribles. Les cauchemars font remonter à la surface la prime enfance de M.R., quand elle était à la merci d'une mère biologique complètement givrée, qui l'avait abandonnée à la boue de la forêt et tuerait bientôt sa soeur.
M.R. dort mal, n'arrive plus à tenir le rôle de présidente d'université, maigrit, tombe dans le coma. Même à la fin du livre, quand tout pourrait rentrer dans l'ordre, elle est encore agressée. Il y a des moments où je ressentais son mal-être tellement fort que je pensais : ça suffit, là, Joyce Carol Oates, n'en jetez plus ! C'est vrai, quoi, ce n'est pas parce qu'on veut décrire un personnage qui s'accroche, qui résiste, qu'on est obligé de lui faire subir toutes les horreurs.
M.R. dort mal, n'arrive plus à tenir le rôle de présidente d'université, maigrit, tombe dans le coma. Même à la fin du livre, quand tout pourrait rentrer dans l'ordre, elle est encore agressée. Il y a des moments où je ressentais son mal-être tellement fort que je pensais : ça suffit, là, Joyce Carol Oates, n'en jetez plus ! C'est vrai, quoi, ce n'est pas parce qu'on veut décrire un personnage qui s'accroche, qui résiste, qu'on est obligé de lui faire subir toutes les horreurs.
Je ne sais pas s'il convient de conseiller ou non ce roman pourtant bien écrit et habilement construit ; peut-être, mais pour un moment où on a le moral. Et je me demande encore pourquoi des amis (sûrement très bien intentionnés) m'ont offert ce livre. J'espère qu'ils ne l'ont pas lu, qu'ils se sont contentés de jeter un œil à la quatrième de couverture. Parce que s'il l'ont lu, c'est un drôle d'avertissement qu'ils m'envoient là...
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