Je viens de voir
Bird People, le film de Pascale Ferran dont les radios publiques parlent beaucoup ces derniers jours. Pascale Ferran m'avait donné envie de voir son film, l'autre soir chez Kathleen Evin. J'y allais pour Gary, l'associé d'une entreprise américaine de technologies, toujours entre deux avions, deux business trips, deux hôtels Hilton semblables, air conditioning, good bed, internet connection et blackberry. Ultra-connecté, très pro, en apparence d'un calme olympien, Gary me faisait penser à une personne de ma connaissance. Un jour, Gary en a marre, de son boulot, de sa femme et de sa vie. Un vide sidéral le saisit, alors il plaque tout : ses actions, son patron et sa femme par Skype (ce qui est assez savoureux et poignant en même temps). Il se trouve que quand ça lui tombe dessus, Gary est à Paris, précisément à Roissy Charles de Gaulle. Au Hilton.
J'avais également envie de voir le film à cause de Roissy. Certaines scènes mémorables de ma vie s'y sont déroulées, la plupart du temps en solitaire connectée, comme dans le film. Avant un vol transatlantique, prise d'une crise de panique assez similaire à celle de Gary, j'avais écrit mes dernières volontés, devant mon ordinateur ; à l'arrivée, les envoyer à une amie chère m'avait tranquillisée. De retour de mon dernier voyage à l'étranger, en arpentant les couloirs sans fin, j'ai hurlé au téléphone contre ma fille qui ramenait un mauvais bulletin scolaire, juste avant de m'embarquer dans un road movie surréaliste. C'est aussi à Roissy qu'il y a des années, j'ai rompu avec Curedan, dans une scène d'un pathétique rare. Larmes et angoisses, perte de repères, on est un peu paumé en voyage. Mais il m'arrive de piquer des fous rires, quand je regarde les touristes étrangers essayer de se dépatouiller de l'achat des tickets de RER, par exemple (après, je les aide, on n'est pas des sauvages, quand même). A Roissy, je lis, rêvasse, téléphone, travaille rarement, le bruit fait obstacle. De temps en temps, une tasse de thé ou de café, un truc à grignoter. Une petite sortie à l'air libre pour fumer, respirer l'air déconditionné, pollué. Le temps passe jusqu'au départ, ou jusqu'au train du retour.
Je ne crois pas avoir particulièrement aimé le film, il est trop long, trop allusif, ennuyeux par moments. Mais j'y ai vu des instants magiques, poétiques, comme : un dessinateur asiatique qui fait des croquis à l'encre de Chine ; un survol de l'aéroport, la nuit, sur la chanson Space Oddity ; un échange de regards entre Gary et un oiseau, un échange de mots, à la fin... Un peu comme un rêve. Je me surprends aujourd'hui à observer les moineaux.