vendredi 25 octobre 2013

Rêves

Hier, je n'ai pas réalisé un rêve d'enfant. Le rêve d'aller dîner quelque part où règnent l'apparence et la cuisine bourgeoises qui tentaient tellement la petite fille d'autrefois. Une de mes proches amies s'y rendait régulièrement avec ses parents, au retour des vacances, et nous racontait dans la cour de l'école à quel point c'était bien. Moi, je rongeais mon frein, espérant qu'un jour j'irais aussi dans ce restaurant tellement chic de la capitale (chic à mes yeux de gamine de 10 ans jamais sortie de sa ville natale).
Hier donc, je n'ai pas réalisé un rêve d'enfant, me suis contentée d'admirer l'endroit de l'extérieur, ses lampions et ses serveurs en livrée. Ca pouvait rester un rêve, je n'y tenais pas tant. Ca avait l'air bruyant et pressé. Je me suis extirpée de ma ville natale autrement et depuis belle lurette.
 
rêveHier, par hasard, s'est réalisé un autre rêve, un rêve de lectrice. Ce n'était pas un rêve longuement élaboré, rien ou presque n'en avait été pensé ni formulé. Pas un mot, les mots ne venaient pas. Mais tout déjà tourbillonnait dans mes pensées, prêt à s'agglomérer en séquence. Souvent les rêves, les souvenirs et les fantasmes cheminent et voisinent et finissent par se mélanger. C'était comme une hallucination, un songe éveillé, une plongée dans quelque chose d'étrangement familier.
Je me retrouvais dans un décor jusque là seulement idéel. Je reconnaissais le lieu pour l'avoir imaginé et imagé, comme une abstraction assez lointaine. Maintenant, j'y étais, concrètement, entièrement, immergée dans la réalité sensible. Je pouvais regarder, toucher, sentir la présence des personnages qui y étaient passés, leurs histoires.  J'y étais. Et même impliquée dedans, participant. Je regardais un film que j'avais espéré voir dans ce décor là avec cette personne là, lisais des bribes de livre, m'emmitouflais dans une couverture en écoutant des paroles et des musiques. Il faisait chaud mais j'étais bien dans cette couverture. Peut-être même y laissais-je une infime trace de mon passage, qui sait.

Un instant, je vivais dans le livre dont j'avais lu les pages. Je l'entendais vivre. Cela m'intimidait, me rendait muette, comme dissociée de moi-même, car ce n'est pas mon livre et cela me reste étranger malgré la familiarité et c'est peut-être là qu'est le bonheur pour la lectrice, dans cette intimité comme distanciée, dissociée, car le livre qui ouvre un univers et le rend mien fait à la fois obstacle à l'entrée dans le réel, le réel de l'autre et le mien, que je fuis en même temps que j'y aspire et qu'il m'aspire. Un voyage doux et sidéré dans la fiction qui me faisait perdre les pédales et les mots. Heureusement qu'une question bienvenue sur mon programme du lendemain m'en a rappelé le caractère provisoire, sinon j'y serais encore.

J'étais heureuse et je ne le savais pas, ai-je pensé au réveil, quand je suis revenue à la réalité, regardant le ciel et reprenant le cours de ma vie.

vendredi 18 octobre 2013

Insolite

insolite
Bizarre, baroque, biscornu, curieux, anormal, inaccoutumé, étrange, inhabituel, incompréhensible, rare, singulier, saugrenu, étonnant, abracadabrant, cocasse, comique, drôle, original, hétéroclite.

 
C'est beau les synonymes. Même si les moteurs de recherche eux sont affreux.
 
Au lycée, une copine m'avait demandé quel était mon mot préféré, dans la langue française. Je ne savais pas, aucune idée. J'avais peut-être pensé : bleu ou noir, mes couleurs. Ou tomate, je les aime tellement dans mon assiette. Les oranges aussi.
 
Mais elle, Corinne, elle a dit un mot que je n'ai plus jamais oublié. Après, j'ai cherché un synonyme pour avoir un mot préféré différent du sien. Mais je n'ai pas pu, son mot préféré est devenu le mien.



PS: In English I love chasm that I just discovered. Even though it sounds like orgasm, chasm is a gap, an abyss, a hole, a cavity. It's what is inside, secretly hidden in the sand.

mercredi 9 octobre 2013

Lire des épreuves

Martine n'a plus que 438 copies à corriger
Il m'arrive d'écrire dans des livres alors bien sûr on me demande de relire les épreuves avant impression définitive.
 Une fois on m'avait prénommée Martine dans le communiqué de presse précédent la sortie éditoriale. Ca s'était diffusé partout, d'Amazon à Chapitre.com, je ne me reconnaissais plus. Je me demandais si je devais envisager de me rebaptiser de ce pseudo inattendu.
Surtout que Martine est une de mes héroïnes d'enfance. Souvent je pense à elle, à elle petit rat, à elle qui apprend la natation, à elle en metteure en scène de théâtre, à elle qui corrige même des copies sur Facebook, à elle qui fait toujours tout bien, tandis que moi je ne fais jamais rien bien. J'ai toujours adoré le chic de Martine, sa peau saine, ses cheveux bien coiffés et son chien Patapouf. Gamine, je me battais contre mes sœurs pour conserver ses albums près de mon lit.

Cette fois dans les épreuves, quand dans l'introduction les directeurs de l'ouvrage s'emploient à faire mousser les contributeurs, il est écrit "pour parler conne" suivi de mon nom.
 
La vie est pleine de surprises. D'épreuves.
 

samedi 28 septembre 2013

Moving


secret drawer
Last week, I opened my secret drawer. The drawer where I have locked in most of what is related to you. Presents, postcards, non-sent letters that I have written over the years. Inside, there is the little puppet, the silk scarf and the Little Prince you gave me. There's also my heart, broken into 1000 pieces. My memories. My tears,  your smile; your tears and my smile. In the old days, you were saying each girl has a secret drawer, full of love letters.

I usually avoid to open my secret drawer and to look at your cards. I don't wear your presents, even though I always wear scarves. I don't read you either, even though I'm a compulsive reader. But this time it was different. I was moving office, had to tidy everything up. I saw the card you sent on our first anniversary: "together forever". I re-read your words of love. They reminded me of mines. It was both moving and ironic.

I remembered the first time we met, at this boring reception. I hadn't understood your name, people were so noisy around and you were speaking too fast. You were funny and shy, both serious and not taking anything seriously. A nice guy with a malicious glance. I thought I would never see you again after this strange evening. How could I have imagined you would be the man I would most love, hate and regret in my whole life...  the guy who would patiently get me back to life and who would kill me afterwards. I was desiring you to get me back to life, for sure ; and maybe to kill me afterwards, who knows.

I saw you again, the day after the reception. It was the beginning of a beautiful and sad story. A story of lips and cream. A story of Circe and objet a.  A story of two lost children carrying their love and their lack.

You still are so much in my heart.
 
I can feel in peace with you, finally.

10 years to get in peace with you.

But I still can't throw anything away . And I don't feel able to open the secret drawer again.