vendredi 27 septembre 2013

Si loin, si proche

Chaque jour ou presque, je fais une visite chez Mouchette and co. En ce moment, je ressens de grandes émotions de lecture. Les surprises quasi-quotidiennes. Les textes qui viennent du fond des tripes - ou qui en donnent l'impression -, qui mettent face à ce qu'on voudrait ignorer, à des secrets, à des hontes, à ce qu'on a vécu ou désiré. Les morceaux d'enfance. Le style simple, direct, précis. Ca me remue. Je ressens de la joie.  Comme un enfant qui ouvre un paquet-cadeau. Puis, de la reconnaissance que ceci existe. Ces histoires, je peux m'y retrouver et m'y consoler. Je n'aurais jamais pensé que ça se rencontrait sur le web. J'en reste toute  émue, comme au début, quand je suis arrivée là par hasard, un jour de mélancolie. J'avais tapé une phrase sur Google : "Curedan me manque". Curedan est un garçon que j'ai connu et qui me manque toujours par moments, encore maintenant, c'est ma malédiction intime. Avec cette phrase de malédiction, Google donnait au moins 50 pages de résultats... j'ai commencé à explorer tout ça... suis tombée sur des tas de choses sans aucun intérêt... jusqu'à ce que j'arrive dans cet igloo gris et froid qui parlait de cinéma. Une cinémathèque avec à sa tête un projectionniste bizarre qui parlait des films mais pas seulement. Un vieux cow-boy qui racontait des histoires. Ce fut une bénédiction. J'ai pensé : ça aide à vivre.

En même temps je ne manifeste pas cette joie, je n'ose pas. Il ne faut pas. Le trip midinette qui s'extasie, ça l'irrite tellement,  M.Mouchette. Il fait la gueule, parfois, si je lui écris des choses gentilles. Question de pudeur. Et de finesse, de subtilité, d'humour quand chez moi tout est au premier degré, gros sabots comme disait mon prof de philo. Toujours à foncer tête baissée, à disséquer, à vouloir comprendre, à me donner une importance que je n'ai pas. M.Mouchette au contraire, le plus souvent, il rigole, il voulait juste s'amuser, fictionner tranquillement, pas devenir terrain scientifique pour universitaire. Il attend que je me lasse, pensé-je. La paix, enfin.

On ne se comprend pas toujours.  On se heurte. Je le crains. Autrefois, il m'avait envoyé bouler, assez violemment. Ca laisse des traces. Tout est marqué par cette genèse, même si au fil du temps on se connait mieux et qu'une petite engueulade virtuelle n'a jamais tué personne. Mais n'empêche, je garde un fonds de méfiance, je sais que je ne suis que tolérée sur cette île.  Qu'il peut publier en public des trucs privés, se foutre de ma gueule devant les foules silencieuses de son blog. Ou tout simplement m'ignorer. Il tient à garder ses distances. Je ne m'approche pas trop non plus. Peur qu'un souffle malheureux trouble le processus d'écriture, comme le battement d'aile du papillon. Car alors moi je serais triste de ne plus le lire. Il ne faut pas. Je me tais, tapie dans l'ombre.  Je m'écraserais, au besoin, comme souvent dans la vie.  Je regarde de loin. Parfois, de plus près, les photos. Cette semaine, j'ai cherché longtemps le livre caché dans le champ, sur mon écran. Mais le plus souvent, de loin.
Wenders

 

Si loin, si proche est le titre d'un film de Wenders.  Ange gardien de M.Mouchette, ça m'irait comme destin. Mais il va encore me dire qu'il n'a besoin de rien. Comme d'habitude. Donc je me tais.

jeudi 12 septembre 2013

Nouvelle formule

Elle à table
Un magazine de cuisine que je fréquente lance une nouvelle formule. Je suis toujours méfiante, face aux nouvelles formules, je n'aime pas qu'on bouscule mon environnement familier. Quand Le Monde a lancé la sienne, j'ai un peu grincé, c'est quoi cette multiplication de suppléments, Le Monde Magazine beurk. Il y a quelques années, j'avais au contraire écrit au service lecteurs pour me plaindre de la disparition d'un supplément qui me paraissait essentiel. Jamais contente, la lectrice.
Côté blogs, j'ai bien aimé la mutation de "A certain romance" en "Wasted hours", mais c'était plutôt la fondation d'autre chose qu'une nouvelle formule. Quand M.Mouchette s'y est mis, avec des caractères plus petits, des colonnes resserrées, des couleurs plus froides, j'ai beaucoup soupiré, au début, j'avais l'impression de me retrouver dans un igloo, à la limite de l'étouffement glacial. Qu'est-ce qu'ils ont tous, avec leurs nouvelles formules, je me demandais... je suis pas une aventurière, moi, préfère tellement le connu ; même une répétition de moche, de prévisible, plutôt que du neuf auquel j'ai du mal à m'habituer. Quel besoin d'une nouvelle formule, puisque l'ancienne me convenait ? Enfin, pas complètement, j'envisageais de me désabonner de Elle à table, mais pas à cause de la formule, à cause de l'inadéquation des recettes à mon style de vie : trop d'ingrédients précieux, de complexité, un certain agacement devant le thé matcha et les fèves tonka, je cherche du simple, tomates, pommes de terre, poisson blanc.
Mais là, surprise vraiment agréable, j'aime bien la nouvelle formule.  Le cahier de recettes à la fin est pratique, distinct maintenant des fiches cuisine qui proposent des recettes supplémentaires. Un effort a été fait sur la simplicité des plats, l'aération du texte, les photos sont toujours aussi belles. Ca m'a donné envie de faire le gratin de courgettes aux noisettes et à la menthe. J'ai foncé chez le maraîcher pour des courgettes bien fraîches, cueilli la menthe entre deux averses. Y'a plus qu'à.

jeudi 22 août 2013

Ireland

Le routard Irlande
Sentir l'excitation du voyage avant même le départ, quand le travail est bouclé, les valises prêtes, les guides dans le sac. Quand les paysages sont encore dans la tête et que rien, aucun détail pratique, n'a abîmé le rêve. Quand mon imagination me fait sentir l'air marin, le fish and chips, le vent et la pluie sur le visage, la tourbe et la gadoue aux pieds.

When I sing Star of the county down, Dirty old town or Whiskey in the Jar because it's all what I have in my head at the moment. Soon I'll have a beer in a pub, listening to the music I was singing earlier.

Can't wait to be in Ireland.

samedi 17 août 2013

La vérité sur l'affaire Harry Québert

La vérité sur l'affaire Harry Québert
Joël Dicker, l'auteur de La vérité sur l'affaire Harry Québert, est une sorte de fils naturel de John Irving et de Tonino Benacquista. Irving pour le récit des tribulations de l'écrivain en butte à la pression des éditeurs et la vie américaine. Benacquista pour le suspens et le polar, mais un Benacquista modéré, pas violent, comme dans Quelqu'un d'autre ou Saga plutôt que La maldonne des sleepings.

C'est une littérature nord-américaine fabriquée en Europe. Toutes les ficelles y sont : la cafet' du bled du New Hampshire (clin d'œil à Irving ?) où on te sert le café à volonté ; les révélations au fil du récit, le passé sulfureux de l'héroïne, fille de pasteur protestant, le mensonge ; les Chevrolet et les motos de police. Le déroulé des chapitres est plein de surprises et en même temps, on se doute souvent qu'une surprise va arriver (ne serait-ce que du fait du découpage en chapitres, un chapitre = une surprise ou à peu près). Parfois, je me sentais comme devant une série télévisée, très pro, bien huilée. Un plaisir prévisible et pas très exigeant, comme remettre ses veilles pantoufles un soir d'hiver glacé.

C'est une littérature nord-américaine écrite en français, c'est troublant. On a l'impression de lire la traduction d'un roman tel que par exemple la collection Point poche - ou dans un style plus recherché, Rivages Littérature étrangère - en propose à tour de bras depuis 30 ans.
Donc, des romanciers francophones sont capables d'imiter mes auteurs préférés des années 80, traduits... comme c'est bizarre. Une sorte de mondialisation différée dans le temps et réappropriée localement. Ca me fait me sentir décalée et vieille, surtout quand j'apprends que l'auteur de La vérité sur l'affaire Harry Québert a 27 ans. Rien d'étonnant, quelque part, c'était le temps nécessaire à Irving et Benacquista pour élever leur fils.

PS : j'allais publier ce billet quand j'ai lu un commentaire d'Arnaud Viviant ici. Sans connaître le roman de Philippe Roth dont il parle, La Tâche, je suis prête à souscrire à ses arguments. Peut-être donc  que Dicker n'est pas le fils naturel d'Irving et Benacquista, plutôt la pâle copie vulgarisée de Roth. C'est encore pire que ce que je croyais alors...