jeudi 12 septembre 2013

Nouvelle formule

Elle à table
Un magazine de cuisine que je fréquente lance une nouvelle formule. Je suis toujours méfiante, face aux nouvelles formules, je n'aime pas qu'on bouscule mon environnement familier. Quand Le Monde a lancé la sienne, j'ai un peu grincé, c'est quoi cette multiplication de suppléments, Le Monde Magazine beurk. Il y a quelques années, j'avais au contraire écrit au service lecteurs pour me plaindre de la disparition d'un supplément qui me paraissait essentiel. Jamais contente, la lectrice.
Côté blogs, j'ai bien aimé la mutation de "A certain romance" en "Wasted hours", mais c'était plutôt la fondation d'autre chose qu'une nouvelle formule. Quand M.Mouchette s'y est mis, avec des caractères plus petits, des colonnes resserrées, des couleurs plus froides, j'ai beaucoup soupiré, au début, j'avais l'impression de me retrouver dans un igloo, à la limite de l'étouffement glacial. Qu'est-ce qu'ils ont tous, avec leurs nouvelles formules, je me demandais... je suis pas une aventurière, moi, préfère tellement le connu ; même une répétition de moche, de prévisible, plutôt que du neuf auquel j'ai du mal à m'habituer. Quel besoin d'une nouvelle formule, puisque l'ancienne me convenait ? Enfin, pas complètement, j'envisageais de me désabonner de Elle à table, mais pas à cause de la formule, à cause de l'inadéquation des recettes à mon style de vie : trop d'ingrédients précieux, de complexité, un certain agacement devant le thé matcha et les fèves tonka, je cherche du simple, tomates, pommes de terre, poisson blanc.
Mais là, surprise vraiment agréable, j'aime bien la nouvelle formule.  Le cahier de recettes à la fin est pratique, distinct maintenant des fiches cuisine qui proposent des recettes supplémentaires. Un effort a été fait sur la simplicité des plats, l'aération du texte, les photos sont toujours aussi belles. Ca m'a donné envie de faire le gratin de courgettes aux noisettes et à la menthe. J'ai foncé chez le maraîcher pour des courgettes bien fraîches, cueilli la menthe entre deux averses. Y'a plus qu'à.

jeudi 22 août 2013

Ireland

Le routard Irlande
Sentir l'excitation du voyage avant même le départ, quand le travail est bouclé, les valises prêtes, les guides dans le sac. Quand les paysages sont encore dans la tête et que rien, aucun détail pratique, n'a abîmé le rêve. Quand mon imagination me fait sentir l'air marin, le fish and chips, le vent et la pluie sur le visage, la tourbe et la gadoue aux pieds.

When I sing Star of the county down, Dirty old town or Whiskey in the Jar because it's all what I have in my head at the moment. Soon I'll have a beer in a pub, listening to the music I was singing earlier.

Can't wait to be in Ireland.

samedi 17 août 2013

La vérité sur l'affaire Harry Québert

La vérité sur l'affaire Harry Québert
Joël Dicker, l'auteur de La vérité sur l'affaire Harry Québert, est une sorte de fils naturel de John Irving et de Tonino Benacquista. Irving pour le récit des tribulations de l'écrivain en butte à la pression des éditeurs et la vie américaine. Benacquista pour le suspens et le polar, mais un Benacquista modéré, pas violent, comme dans Quelqu'un d'autre ou Saga plutôt que La maldonne des sleepings.

C'est une littérature nord-américaine fabriquée en Europe. Toutes les ficelles y sont : la cafet' du bled du New Hampshire (clin d'œil à Irving ?) où on te sert le café à volonté ; les révélations au fil du récit, le passé sulfureux de l'héroïne, fille de pasteur protestant, le mensonge ; les Chevrolet et les motos de police. Le déroulé des chapitres est plein de surprises et en même temps, on se doute souvent qu'une surprise va arriver (ne serait-ce que du fait du découpage en chapitres, un chapitre = une surprise ou à peu près). Parfois, je me sentais comme devant une série télévisée, très pro, bien huilée. Un plaisir prévisible et pas très exigeant, comme remettre ses veilles pantoufles un soir d'hiver glacé.

C'est une littérature nord-américaine écrite en français, c'est troublant. On a l'impression de lire la traduction d'un roman tel que par exemple la collection Point poche - ou dans un style plus recherché, Rivages Littérature étrangère - en propose à tour de bras depuis 30 ans.
Donc, des romanciers francophones sont capables d'imiter mes auteurs préférés des années 80, traduits... comme c'est bizarre. Une sorte de mondialisation différée dans le temps et réappropriée localement. Ca me fait me sentir décalée et vieille, surtout quand j'apprends que l'auteur de La vérité sur l'affaire Harry Québert a 27 ans. Rien d'étonnant, quelque part, c'était le temps nécessaire à Irving et Benacquista pour élever leur fils.

PS : j'allais publier ce billet quand j'ai lu un commentaire d'Arnaud Viviant ici. Sans connaître le roman de Philippe Roth dont il parle, La Tâche, je suis prête à souscrire à ses arguments. Peut-être donc  que Dicker n'est pas le fils naturel d'Irving et Benacquista, plutôt la pâle copie vulgarisée de Roth. C'est encore pire que ce que je croyais alors...

samedi 10 août 2013

Lire Lolita à Téhéran

Lire Lolita à Téhéran C'est un livre largement autobiographique et un peu austère d'Azar Nafisi. Le totalitarisme y est décrit comme une interdiction faite par l'Etat aux individus de  s'évader dans la fiction et à d'y puiser des forces de résistance. Le régime totalitaire produit sa propre fiction à laquelle tous sont sommés d'adhérer sans condition. Parallèlement et pour se protéger, il interdit l'accès à toute autre fiction et donc à toute liberté intérieure. C'est comme ça que lire de la littérature occidentale devient un acte subversif dans l'Iran des Mollahs.
 
Le livre n'est pas très bien écrit mais il me donne envie de lire Nakokov. L'auteure propose une relecture étonnante de Lolita : selon elle, Nabokov ne cherche pas à justifier ou approuver Humbert le pervers, ni plus généralement la pédophilie. Au contraire, Nabokov expose la construction par Humbert d'une fiction, d'une fausse histoire d'amour avec une gamine de 12 ans. Lolita résiste puis est contrainte de céder à Humbert. En inventant cette histoire d'amour, Humbert extrait Lolita de son histoire à elle, de sa fiction à elle, et la transforme en papillon épinglé, mort dans la nature morte et fausse d'Humbert plutôt que vivante et vraie dans sa vie à elle.  On serait donc face à ce qui peut s'entendre comme une sorte de métaphore du totalitarisme, Humbert figurant l'Etat, Lolita l'individu contraint de lui céder.

Cette lecture m'a paru très étrange, mais donné envie de lire Nabokov, sans doute encore davantage Invitation au supplice qui semble plus directement relié à l'oppression politique.
"Invitation au supplice est écrit du point de vue de la victime, de celui qui finit par comprendre l'absurde simulacre de ceux qui le persécutent et doit, s'il veut survivre, se retirer en lui-même.
Ceux d'entre nous qui ont vécu dans la république islamique d'Iran savent que la cruauté à laquelle nous étions soumis était à la fois tragique et absurde. Nous devions, pour continuer à vivre, tourner notre malheur en dérision. Nous devions aussi reconnaître d'instinct le pochlost* - et pas seulement chez les autres mais aussi en nous-mêmes. Voilà une des raisons pour lesquelles l'art et la littérature nous sont devenus si essentiels, non pas un luxe, mais une nécessité. Ce que Nabokov a su saisir de la vie dans une société totalitaire était sa texture même, cette solitude complète au sein d'un monde illusoire et rempli de fausses promesses où il vous devient impossible de faire la différence entre celui qui vous sauve et celui qui vous exécute."
Lire Lolita à Téhéran, Plon/10-18, p. 43-44.

* pochlost : lien entre la banalité et la brutalité ; recouvre selon Nakokov tout ce qui est faussement important, faussement beau, faussement intelligent, faussement attirant... dans la fiction du totalitarisme (ibid p. 42).

Je vois sur Wikipédia que ce livre a créé une polémique, que l'auteure a été accusée de néo-conservatisme et néo-colonialisme. Il est vrai que sa prose a des accents parfois condescendants avec la foule, le peuple (ignorant) qui a fait sa révolution et déposé les anciens dirigeants. Elle prône la résistance par la littérature occidentale, particulièrement anglo-saxonne, autant dire le grand Satan. En outre, elle a un côté professoral un peu pénible, son livre est comme une succession de fiches de cours (qui me rappellent quelqu'un). Accessoirement, elle ne se prive pas de rappeler ses études aux Etats-Unis ainsi que son appartenance à une famille persane illustre, qui s'est distinguée dans les arts et la politique pendant plusieurs siècles.

PS : dans un tout autre genre, Marjane Satrapi sait nous faire découvrir les travers de la révolution iranienne sans pédantisme et avec le sourire. Poulet aux prunes est celui que je préfère, mais ce sont les volumes de Persepolis surtout qui évoquent la révolution.