Joël Dicker, l'auteur de La vérité sur l'affaire Harry Québert, est une sorte de fils naturel de John Irving et de Tonino Benacquista. Irving pour le récit des tribulations de l'écrivain en butte à la pression des éditeurs et la vie américaine. Benacquista pour le suspens et le polar, mais un Benacquista modéré, pas violent, comme dans Quelqu'un d'autre ou Saga plutôt que La maldonne des sleepings.
C'est une littérature nord-américaine fabriquée en Europe. Toutes les ficelles y sont : la cafet' du bled du New Hampshire (clin d'œil à Irving ?) où on te sert le café à volonté ; les révélations au fil du récit, le passé sulfureux de l'héroïne, fille de pasteur protestant, le mensonge ; les Chevrolet et les motos de police. Le déroulé des chapitres est plein de surprises et en même temps, on se doute souvent qu'une surprise va arriver (ne serait-ce que du fait du découpage en chapitres, un chapitre = une surprise ou à peu près). Parfois, je me sentais comme devant une série télévisée, très pro, bien huilée. Un plaisir prévisible et pas très exigeant, comme remettre ses veilles pantoufles un soir d'hiver glacé.
C'est une littérature nord-américaine écrite en français, c'est troublant. On a l'impression de lire la traduction d'un roman tel que par exemple la collection Point poche - ou dans un style plus recherché, Rivages Littérature étrangère - en propose à tour de bras depuis 30 ans.
Donc, des romanciers francophones sont capables d'imiter mes auteurs préférés des années 80, traduits... comme c'est bizarre. Une sorte de mondialisation différée dans le temps et réappropriée localement. Ca me fait me sentir décalée et vieille, surtout quand j'apprends que l'auteur de La vérité sur l'affaire Harry Québert a 27 ans. Rien d'étonnant, quelque part, c'était le temps nécessaire à Irving et Benacquista pour élever leur fils.
Donc, des romanciers francophones sont capables d'imiter mes auteurs préférés des années 80, traduits... comme c'est bizarre. Une sorte de mondialisation différée dans le temps et réappropriée localement. Ca me fait me sentir décalée et vieille, surtout quand j'apprends que l'auteur de La vérité sur l'affaire Harry Québert a 27 ans. Rien d'étonnant, quelque part, c'était le temps nécessaire à Irving et Benacquista pour élever leur fils.
PS : j'allais publier ce billet quand j'ai lu un commentaire d'Arnaud Viviant ici. Sans connaître le roman de Philippe Roth dont il parle, La Tâche, je suis prête à souscrire à ses arguments. Peut-être donc que Dicker n'est pas le fils naturel d'Irving et Benacquista, plutôt la pâle copie vulgarisée de Roth. C'est encore pire que ce que je croyais alors...