Il existe désormais en ligne un service payant pour recevoir des lettres dans sa boîte aux lettres. Ca s'appelle
Lettre d'un inconnu et la blogosphère comme la presse s'extasient dessus. Créativité, ingéniosité, prise d'initiative, start-up... Retrouvailles avec le courrier à l'ancienne... Joli site web, sobre, un brin rétro... On sent l'auto-satisfaction, la bonne conscience boboïsante... Comme tout ceci est gentil, charmant, poétique même... J'ai failli m'y laisser prendre et offrir un abonnement. Un petit virement et hop, je rejoignais le troupeau.
Mais enfin j'ai réfléchi cinq minutes. Payer pour lire une lettre. Payer pour que quelqu'un reçoive une lettre (en-dehors du prix du timbre, bien entendu). Ne pas l'écrire soi-même mais payer pour qu'une de vos connaissances en reçoive une ou qu'on vous l'écrive. C'est absurde. C'est pathétique. Sous couvert de "réenchanter les boîtes aux lettres", il s'agit surtout de faire commerce de ce qui devrait être à jamais gratuit... La correspondance, c'est donner, recevoir en retour, tout le plaisir est dans la relation qui se noue, perdure, devient tantôt étroite, tantôt plus distendue. Dans les soubresauts de l'attente. Ma lettre sera-t-elle lue, y'aura-t-il une réponse, est-ce que j'aurai encore des choses à dire, après ? L'échange va-t-il perdurer ou s'interrompre ? Sur abonnement, plus rien de tout ça, juste un (certes joli) objet qu'on possède et qui arrive le jour dit à l'heure dite, comme prévu et par virement renouvelable. Un objet identique, absolument identique, pour des milliers de consommateurs avides de posséder, de recevoir quelque chose dans leur petite boîte aux lettres tellement submergée de factures et autres publicités, la pauvre chérie. Ils n'ont pas compris qu'en payant, ils détruisent cela même qu'ils voulaient posséder.
Payer pour une lettre, c'est un peu comme payer pour faire l'amour : si ce n'est plus gratuit, tout alors est vicié, sali, il y a bien peu de chances que s'établisse une quelconque relation.