dimanche 11 novembre 2012

Why do women write more letters than they post ?

Darian LeaderWhy do women write more letters than they post? est le titre d'un ouvrage de vulgarisation psychanalytique de Darian Leader, qui présente avec humour (anglo-saxon)  les principales thèses freudo-lacaniennes sur les différences de structuration du désir masculin et féminin (il a été affreusement et beaucoup trop sérieusement traduit en français par A quoi penses-tu ? Les incertitudes de l'amour, chez Odile Jacob). Pour revenir à la version originale, et la résumer - ce qui va induire quelques caricatures genrées -, l'auteur réalise "a sort of collage of observations and explanations about the sexuality of men and women".

Côté masculin,  et en simplifiant, il importerait surtout au garçon de posséder l'objet de son désir. C'est pourquoi il n'hésitera pas à éliminer des rivaux éventuels -  c'est même l'existence de tels rivaux qui peut-être stimulera le désir. Une fois possédé, l'objet du désir sera considéré comme acquis. Mais posséder cet objet n'est pas sans risque, entre autres parce qu'il s'agit alors de prendre la place du père et de s'exposer au risque de castration par la mère. D'où le recours à des stratégies de contournement, tels que le rituel (pour désamorcer l'angoisse liée au risque) ou le désir détourné vers un autre objet que l'objet de désir véritable (d'où la célèbre dichotomie entre la maman et la putain). 

Côté féminin, la question principale serait plutôt de savoir comment on devient l'objet de désir - ou comment on le reste. La femme est donc attentive au désir de l'autre, elle en fait un motif perpétuel d'interrogations. Par exemple, elle réitérera à l'infini des demandes de preuves d'amour car ainsi elle s'assure de faire partie de l'autre en incarnant son désir. De la même façon, il lui importera davantage de soutenir le désir de l'objet que de le posséder, car ce qu'elle désire vraiment est au-delà de l'objet lui-même, puisque son manque ne peut jamais être comblé (elle en est plus ou moins consciente). Elle préfèrera donc parfois maintenir un certain degré de frustration, résister au désir, que de le réaliser.



Pourquoi les femmes écrivent-elles donc davantage de lettres qu'elles n'en n'envoient ? Pour Leader, la différence de structuration du désir chez l'homme et la femme fera que l'homme s'emploiera à dissimuler ses faiblesses (particulièrement aux yeux de ses rivaux) et donc aussi la différence qui existe entre le réel et le langage. Il enfermera dans le langage son récit,
s'attachera à nommer ce qui lui arrive de façon définitive, comme si  le langage rendait compte
du réel.
 
Tandis que la femme, au contraire, s'emploiera à exposer l'écart entre réel et langage, car cet écart symbolise ce qui rend nécessaire qu'elle soit objet de désir : l'existence chez elle comme dans le langage du manque, de l'incomplétude. La lettre non envoyée, c'est l'incomplétude par excellence : à chaque instant, le message doit faire l'objet de corrections, de remaniements, exprimant continuement l'impossibilité de rendre compte du réel qui échappe. L'absence de réponse - puisque la lettre n'est pas envoyée - est également une façon de maintenir le désir, en ne recevant rien en retour donc en ne possédant pas l'objet de désir.

Le blog, c'est un peu pareil : toujours incomplet. Et l'absence de réponses - ici, de commentaires - est peut- être le moyen inconscient de soutenir le désir (il y a davantage de femmes qui bloguent que d'hommes, il me semble...).

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