Je me souviens de mon professeur de philosophie
au lycée qui disait détester corriger des copies. Il était très lent, rendait les corrections après
plusieurs semaines, levait les yeux au ciel quand nous lui réclamions nos
devoirs, l'air las. Le jour où il en avait fini avec son pensum, on le sentait
détendu, délivré, c'est le moment qu'il choisissait pour glisser un clin d'oeil
ou une blague quelconque. Je ne comprenais pas, quand moi je mettais tant
de coeur à écrire de belles dissertations. J'étais jeune et bête, il faut
dire.
Le temps a passé. Je suis moins jeune (moins
bête ? moins bardée de certitudes plutôt) et maintenant, je comprends
intimement cet ancien professeur de philosophie. Je ne l'ai jamais compris
aussi intimement que depuis que chaque semestre, je dois me prêter à l'exercice
de la correction de copies.

Quand j'en termine enfin avec mon pensum, fatiguée d'avoir lu des dizaines de versions du message initial, je me sens légère. C'est souvent le moment que je choisis pour glisser à ceux que je croise un clin d'oeil ou une blague quelconque. Ainsi va la vie, comme on disait au lycée... Je me souviens de mon professeur de philosophie, un esprit rebelle qui militait pour la suppression des notes et l'exigence d'une connaissance rigoureuse. Une autre époque.