Il m'est arrivé de rencontrer des auteurs que j'avais lus assidument. D'abord, Daniel Pennac, que je dévorais adolescente. Je lui avait raconté, à la librairie où il signait des ouvrages ce jour lointain de ma jeunesse étudiante, que quand j'avais en main un de ses livres, je ne m'endormais pas avant de l'avoir fini. Je cheminais vers le dénouement avec fièvre, incapable de m'arrêter, enfilant les chapitres, désireuse de tout savoir du destin de Benjamin Malaussène. Pennac avait alors écrit comme dédicace : "comment veux-tu que je suive, lectrice, si tu lis en deux heures ce que j'écris en deux ans ?"
Quelques années plus tard, à un salon du livre, j'ai dit en rigolant à Tonino Benacquista que c'était l'amour qui m'avait fait le découvrir, car j'étais tombée sur La Maldonne des sleepings dans la bibliothèque de mon compagnon (hasard de la vie, tous les polars ou presque que j'ai lus l'ont été par amour). Celui-là raconte l'histoire d'un contrôleur dans le train Paris-Venise. Benacquista nous avait chambrés sur le fait qu'on faisait de bien piètres amoureux, nous qui lisions Venise mais n'y n'étions jamais allés (mon compagnon avait précisé qu'il y était allé, mais pas avec moi... ). Benacquista a alors écrit sur la page de garde de La Maldonne : "Leur premier voyage à Venise, ensemble!".
Mais cela fait longtemps que j'ai arrêté de fréquenter les salons du livre et autres signatures de libraires : pas l'âme d'un Chick poursuivant son Jean-Sol Partre. Devenir de plus en plus internaute a aussi contribué à changer mes habitudes. Je ne lis plus seulement les auteurs estampillés comme tels par un éditeur, me plonge dans des récits et autres opinions autopubliés sur le web. C'est comme ça que je suis arrivée sur une île et m'y suis installée comme lectrice, avant d'ouvrir mon propre salon où l'on cause. Cette semaine donc, ce sera différent. Je rencontrerai quelqu'un que je lis mais avec qui il y a des échanges réguliers, on se connaît, on tisse quelque chose, qui passera pour un moment de l'écrit à l'oral.
La nuit dernière, j'ai rêvé que je le cherchais partout dans sa ville et que je ne le trouvais pas, je m'étais perdue... J'en étais réduite à repartir bredouille, après avoir été chassée du seul refuge possible dans la ville, une sorte de campement de fortune, muni de lits de camps militaires. Métaphore du fait qu'on ne retrouve peut-être jamais tout à fait ceux qu'on a lus...
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