L'œuvre de Hiroshige propose de relier Edo à Kyoto, au rythme lent de la marche des porteurs. On prend son temps, de station en station. A chacune, son estampe, un instantané poétique du voyage et du commerce au XIXème siècle.
Ce périple commencé il y a plusieurs mois n'est pas encore fini. Je musarde bien plus que les voyageurs de l'époque. Peut-être n'aurai-je jamais fini. Pourquoi finir ? Il en faut, du temps, pour se plonger dans ces scènes toutes en finesse, observer ponts, routes, rivières, voyageurs, serviteurs, embarcations, chariots divers... Les plis des soieries, les chapeaux des personnages, les lourds paquetages, les maisons en bois. Là bas, au loin, le sommet enneigé du Mont Fuji. Les arbres, les pierres. La lumière. Les amis à l'origine de ce cadeau avaient dit : pas plus de deux-trois stations par jour, et au calme ! Comme ils avaient raison. Regarder une estampe dans un musée ou une galerie, debout, entouré d'autres spectateurs, n'a pas du tout le même effet. On se fatigue avant d'entrer dedans. Il en faut, du temps, de la disponibilité mentale, pour être ici et maintenant. Ici et maintenant, dans le monde flottant, c'est-à-dire tranquille à l'intérieur du livre, Le Tokaido de Hiroshige.
Ce périple commencé il y a plusieurs mois n'est pas encore fini. Je musarde bien plus que les voyageurs de l'époque. Peut-être n'aurai-je jamais fini. Pourquoi finir ? Il en faut, du temps, pour se plonger dans ces scènes toutes en finesse, observer ponts, routes, rivières, voyageurs, serviteurs, embarcations, chariots divers... Les plis des soieries, les chapeaux des personnages, les lourds paquetages, les maisons en bois. Là bas, au loin, le sommet enneigé du Mont Fuji. Les arbres, les pierres. La lumière. Les amis à l'origine de ce cadeau avaient dit : pas plus de deux-trois stations par jour, et au calme ! Comme ils avaient raison. Regarder une estampe dans un musée ou une galerie, debout, entouré d'autres spectateurs, n'a pas du tout le même effet. On se fatigue avant d'entrer dedans. Il en faut, du temps, de la disponibilité mentale, pour être ici et maintenant. Ici et maintenant, dans le monde flottant, c'est-à-dire tranquille à l'intérieur du livre, Le Tokaido de Hiroshige.
Le monde flottant est, paraît-il, dans la culture japonaise, le monde du quotidien, ce qui se transforme, l'esprit du moment. Il s'oppose au monde immobile du sacré. Le monde flottant a nourri l'art de l'estampe japonaise. Hiroshige a dessiné avec grand soin le monde flottant qui a nourri l'estampe japonaise. Je lis les traductions des titres et des étiquettes calligraphiées qui servaient de repères ; m'absorbe dans les dessins de Hiroshige qui expriment avec grand soin la perfection des lignes du monde flottant, celui qui constitue et révèle l'estampe japonaise. Je fais le voyage.
Ma station préférée jusqu'à présent, c'est celle de ce paysage enneigé, au crépuscule, quand deux paysans rentrent chez eux à pas lents et qu'un passager du Tokaido se promène dans le village. La fin d'une longue journée de labeur et de trajet. La blancheur apaisante. Le froid de la neige et la chaleur des couleurs.
Comme un voyage immobile et rafraichissant.