Un soir, j'étais allée écouter mon analyste présenter et commenter deux livres de Lacan, Des noms-du-père et Le triomphe de la religion. Elle en avait lu quelques extraits. C'est ainsi que mon analyste m'avait fait la lecture. Une expérience inédite. J'avais l'impression qu'elle ne parlait que pour moi, alors qu'il devait y avoir cinquante personnes dans la salle surchauffée de la librairie et que j'étais tout au fond. Elle avait évoqué le propos de Lacan mais aussi son métier et la question plus vaste du désir de l'analyste. Elle avait lu notamment tout ou partie de ce passage :
"J'écoute. De ces vies que, depuis près de quatre septénaires, j'écoute donc s'avouer devant moi, je ne suis rien pour peser le mérite. Et l'une des fins du silence qui constitue la règle de mon écoute est justement de taire l'amour." (Discours aux catholiques, p. 17).
Au long de cette intervention de mon analyste, je l'avais perçue sous un jour différent : drôle, spontanée, laissant ses mots circuler au lieu de les peser un par un comme en séance. Cela m'avait fait bizarre, d'entendre son rire et quelques anecdotes personnelles.
J'adore, qu'on me fasse la lecture, c'est une autre façon de lire, qui passe par la voix d'autrui, on n'est plus seul avec le texte. J'adore surtout qu'on me fasse la lecture au lit. Une de mes plus belles photos d'enfance, que j'ai égarée je ne sais comment (j'en suis très triste), est justement une photo où ma mère lit une histoire à ses enfants, allongée avec nous dans le lit conjugal. Un homme dans le passé m'a souvent lu des passages de livres, au lit. La plupart du temps, c'était des théories compliquées auxquelles je ne comprenais goutte, j'aimais juste écouter et me laisser bercer. Parfois, je m'endormais, comme petite fille j'aimais m'endormir au milieu des conversations des adultes, rester là, au coeur de la vie, ne pas en perdre une miette même si le sommeil était toujours le plus fort.
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