A certaines périodes, ça devient maladif, je lis tout, les boîtes de lait et les emballages de céréales sur la table du petit déjeuner, les bouteilles de shampoing à la salle de bains, même la composition du détergent aux toilettes ou les autocollants de voitures. Sans compter les magazines débiles, le journal, mon horoscope, bien sûr, quotidiennement ; ou bien un bouquin trouvé n'importe où et à propos de n'importe quoi, ou encore les yeux ouverts sur l'écran de l'ordinateur comme si j'allais pouvoir absorber tout ce qui déferle continument de l'océan cybernétique. Je deviens malade de lecture, c'est une addiction. Parfois, même dans mes rêves, je lis ou ai envie de lire.
Car depuis toujours, lire calme mon anxiété. Bien plus que ne le ferait la parole ou l'action, et plus rapidement que la psychanalyse. Si j'ai peur et que je me mets à lire, j'aurai moins peur. Si un grand bonheur m'assaille et même m'engloutit, de la même façon je m'en distancierai ainsi. Plus rarement, j'écrirai quelques pensées éparses dans un petit carnet, mais je crois que je préfère toujours faire la voyeuse plutôt que me raconter moi-même, lire plutôt qu'écrire, dissoudre les émotions, plutôt que leur donner corps en les codifiant. J'observe, je décrypte, je me fonds dans les autres, je deviens eux, disparaissant dans ce qu'ils sont.
Surtout les personnages de grandes amoureuses, des modèles, en quelque sorte. Adolescente, qu'est-ce que j'aimais Anna Karénine... une femme qui avait le courage de tout quitter pour un homme, même ce qu'elle avait de plus cher, son fils... qui mourait d'amour, à la fin... pourtant son Vronsky était plutôt fanfaron et lâche... D'autres d'Anna sont fascinantes, la Nana de Zola par exemple, tellement forte, parfois manipulatrice avec les hommes (ça me plaît). C'est pourquoi j'aime le prénom Anna (je trouve très belle et très attachante Anna Karina au cinéma, également). Par contre, Ariane du Solal de Belle du Seigneur m'a toujours énervée, une enfant gâtée, jamais satisfaite, geignarde... Je préfère donc Solal, et plus généralement Albert Cohen, avec ses névroses obsessionnelles, sa judéïté, son style lyrique qui viennent combler si complètement le vide hystérique.
Surtout les personnages de grandes amoureuses, des modèles, en quelque sorte. Adolescente, qu'est-ce que j'aimais Anna Karénine... une femme qui avait le courage de tout quitter pour un homme, même ce qu'elle avait de plus cher, son fils... qui mourait d'amour, à la fin... pourtant son Vronsky était plutôt fanfaron et lâche... D'autres d'Anna sont fascinantes, la Nana de Zola par exemple, tellement forte, parfois manipulatrice avec les hommes (ça me plaît). C'est pourquoi j'aime le prénom Anna (je trouve très belle et très attachante Anna Karina au cinéma, également). Par contre, Ariane du Solal de Belle du Seigneur m'a toujours énervée, une enfant gâtée, jamais satisfaite, geignarde... Je préfère donc Solal, et plus généralement Albert Cohen, avec ses névroses obsessionnelles, sa judéïté, son style lyrique qui viennent combler si complètement le vide hystérique.
Plus récemment, j'ai beaucoup lu Camille Laurence - un style simple, qui ne tergiverse pas, droit au but. Elle ne s'embarrasse pas tellement non plus de construction de récits ou de déroulement d'intrigues, elle ne parle que de sa vie, de ses lectures et de ses amants et ça nous suffit, à nous qui peut-être aimerions bien avoir une telle vie, des découvertes de lectures et autant d'amants. Par exemple, un épisode de sa jeunesse, chez sa grand-mère où elle a invité un garçon. La grand-mère les a surpris alors qu'ils étaient sur le point de faire l'amour. C'est dans L'amour, roman, les premières pages :
"Je me suis levée, j'ai posé le couteau sur la table, j'ai dit : écoute mamie, mais je n'avais pas l'intention de parler, qu'est-ce que j'aurais pu dire, j'avais ce désir de lui qui m'était resté parce qu'on n'avait pas osé continuer, j'en étais comme engorgée. Elle a senti que j'allais partir, m'en aller, la quitter, que même, probablement, je ne viendrais pas la rejoindre le soir au salon pour regarder la télévision avec elle, ni plus tard dans sa chambre lui lire un roman, que je resterais dans la mienne prétextant du travail à finir ; alors elle a posé la main sur mon bras, m'obligeant à me rasseoir, sa main toujours munie de l'économe, sa main couverte de ces tâches brunes qu'elle appelait des fleurs de cimetière et dont j'ai moi-même quelques unes sur la main qui court aujourd'hui, je me suis rassise en disant : quoi ? elle a encore taillé un oeil à la pointe du couteau, puis elle m'a dit, non pas sur le ton de reproche ou du mépris, non, ce n'était ni un jugement ni une certitude mais une vraie question, soudain, dont peut-être moi j'avais la réponse - je me rappelle ses yeux d'enfant, le désir inquiet de sa voix -, elle m'a dit : est-ce que c'est ça, l'amour ?".
Ce genre de question m'a toujours paru essentiel... Mais enfin, est-ce que c'est ça, l'amour ? me demandé-je en bricolant un repas ou en faisant une lessive, ou en embrassant distraitement mon compagnon... comme je me la posais autrefois, quand je faisais clandestinement une réservation d'hôtel ou quand je jouissais dans les bras d'un autre que mon partenaire légitime. Mais enfin, est-ce que c'est ça, l'amour ? Ca résumerait assez bien aussi le destin d'Emma Bovary, le repoussoir, l'anti-modèle, et pourtant...
"Je me suis levée, j'ai posé le couteau sur la table, j'ai dit : écoute mamie, mais je n'avais pas l'intention de parler, qu'est-ce que j'aurais pu dire, j'avais ce désir de lui qui m'était resté parce qu'on n'avait pas osé continuer, j'en étais comme engorgée. Elle a senti que j'allais partir, m'en aller, la quitter, que même, probablement, je ne viendrais pas la rejoindre le soir au salon pour regarder la télévision avec elle, ni plus tard dans sa chambre lui lire un roman, que je resterais dans la mienne prétextant du travail à finir ; alors elle a posé la main sur mon bras, m'obligeant à me rasseoir, sa main toujours munie de l'économe, sa main couverte de ces tâches brunes qu'elle appelait des fleurs de cimetière et dont j'ai moi-même quelques unes sur la main qui court aujourd'hui, je me suis rassise en disant : quoi ? elle a encore taillé un oeil à la pointe du couteau, puis elle m'a dit, non pas sur le ton de reproche ou du mépris, non, ce n'était ni un jugement ni une certitude mais une vraie question, soudain, dont peut-être moi j'avais la réponse - je me rappelle ses yeux d'enfant, le désir inquiet de sa voix -, elle m'a dit : est-ce que c'est ça, l'amour ?".
Ce genre de question m'a toujours paru essentiel... Mais enfin, est-ce que c'est ça, l'amour ? me demandé-je en bricolant un repas ou en faisant une lessive, ou en embrassant distraitement mon compagnon... comme je me la posais autrefois, quand je faisais clandestinement une réservation d'hôtel ou quand je jouissais dans les bras d'un autre que mon partenaire légitime. Mais enfin, est-ce que c'est ça, l'amour ? Ca résumerait assez bien aussi le destin d'Emma Bovary, le repoussoir, l'anti-modèle, et pourtant...
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