Avant-hier, ma tante Esméralda, une femme charmante mais un peu sorcière, qui s'est toujours sentie concernée par la séduction, m'a parlé rencontres sur internet. Ca l'intéresse, à près de 70 ans et après plus de 40 ans de mariage. Moi aussi. Intriguants, en effet, tous ces hasards qui se produisent dans les souterrains cybernétiques, on se demande à qui on a affaire, il faudrait rester méfiant et puis on risque des déceptions, mais quand même, il se trame de bien jolies histoires parfois... Vas-y je t'écoute, je lui dis, c'est pour mes recherches (tu parles...). Elle : tu te souviens de Babe ? Une de mes amies, une voisine, qui avait deux enfants. Eh bien, raconte-t-elle émoustillée, elle s'est mise à jouer au scrabble sur internet. Elle a toujours joué, et là elle avait les parties à domicile, alors tu penses... jusqu'à trouver un partenaire en ligne. Ils ont bavardé, sympathisé, charmant le type, et puis exerçant quasiment la même profession que le mari... qu'elle a fini par quitter pour son partenaire de scrabble, tandis que lui quittait sa femme. Ils se sont mariés, depuis.
Après, elle me dit : et t'as pas connu toi, Gédéon, le copain de Phœbus (Phœbus est le mari d'Esméralda) ? Non, tu dois pas te souvenir, t'étais petite... Il y a quelques années, il a perdu sa femme. Il l'aimait tellement, en admiration il était, on se disait qu'il n'en trouverait jamais une autre... eh bien six mois plus tard, il était amoureux ! Il s'était fabriqué une fiche sur Mie-tic, espérant lutter contre la solitude. La soeur de sa (future) dulcinée a vu cette fiche et a dit à cette femme : je crois que ce type te conviendrait. Quand ils se sont rencontrés, sur un parking (note romantique du récit), ça a été le coup de foudre, il paraît. Et tu vois, cette femme ressemblait trait pour trait à celle qui était morte... ça m'a fait bizarre, à moi, de voir comme une copie de ma copine en plus jeune.
Je lui réponds : il paraît qu'on cherche toujours la même personne, il y a une dimension inconsciente là-dedans. Et pour ne pas être en reste : tu sais ce que j'ai entendu à la caisse du supermarché l'autre jour ? Une caissière qui demandait à une dame pourquoi son fils ne l'accompagnait plus pour faire ses courses. La dame avait un air dépité. Elle a dit : il a quitté la maison, du jour au lendemain. Une femme est venue le chercher, avec ses affaires. 12 ans de plus que lui, bon c'est pas une question d'âge mais vous vous rendez compte, elle n'est même pas montée me dire bonjour, à moi, alors que je marche avec une canne, aucun respect pour une handicapée. Il vit avec elle, maintenant, à l'autre bout de la France. Trop bonne pâte, il lui refait sa maison de 200 mètres carrés (on aurait dit que la précision du nombre de mètres carrés ajoutait à la démonstration : elle l'a répété plusieurs fois). Mais est-ce qu'elle va le garder, après ? C'est pas sûr. En tout cas, qu'il ne s'avise pas de revenir à la maison, il n'aura plus de chambre ! Tout ça, c'est internet, il y passait des heures, ah il avait bien préparé son coup...
On sentait toute l'amertume et la mesquinerie de la femme délaissée. On avait envie de lui dire : laissez-le donc vivre un peu, votre fils, madame.
Autrefois, il y avait eu cette chanson de Barbara : Madame, quand la mère avait gagné.
Là, la mère avait perdu. Esméralda, tellement maternelle, dont un enfant est mort, était choquée qu'on puisse tirer un trait sur un fils. Pourtant c'est ainsi que les femmes se comportent, à se bagarrer pour être la préférée, à éliminer la mère ou la conjointe indésirable, à s'arracher les hommes... Rivalités conscientes et inconscientes, le marché télématique n'est pas différent. La nuit dernière, j'ai justement rêvé d'une grande scène d'engueulade avec ma belle-mère, sous les yeux de son fils qui est aussi mon compagnon et qui semblait incapable de choisir son camp...
Je reçois, à l'instant où je rentre chez moi
Votre missive bleue, Madame.
Vingt fois je la relis, et mes yeux n'y croient pas.
Pourtant, c'est écrit là, Madame
Et de votre douleur, je me sens pénétrée
Mais je ne pourrais rien, Madame.
Vous savez, aujourd'hui, que de l'avoir perdu,
C'est lourd à supporter, Madame.
Votre missive bleue, Madame.
Vingt fois je la relis, et mes yeux n'y croient pas.
Pourtant, c'est écrit là, Madame
Et de votre douleur, je me sens pénétrée
Mais je ne pourrais rien, Madame.
Vous savez, aujourd'hui, que de l'avoir perdu,
C'est lourd à supporter, Madame.
Vous demandez pardon de n'avoir pas compris
Ce qu'était notre amour, Madame.
Vous n'aviez que ce fils, vous aviez peur pour lui
Et vous l'avez gardé, Madame.
Ne me demandez pas ce qu'a été ma vie
Quand vous me l'avez pris, Madame.
Je me suis toujours tu, ce n'est pas aujourd'hui
Que je vous le dirais, Madame.
Ce qu'était notre amour, Madame.
Vous n'aviez que ce fils, vous aviez peur pour lui
Et vous l'avez gardé, Madame.
Ne me demandez pas ce qu'a été ma vie
Quand vous me l'avez pris, Madame.
Je me suis toujours tu, ce n'est pas aujourd'hui
Que je vous le dirais, Madame.
etc.
Là, la mère avait perdu. Esméralda, tellement maternelle, dont un enfant est mort, était choquée qu'on puisse tirer un trait sur un fils. Pourtant c'est ainsi que les femmes se comportent, à se bagarrer pour être la préférée, à éliminer la mère ou la conjointe indésirable, à s'arracher les hommes... Rivalités conscientes et inconscientes, le marché télématique n'est pas différent. La nuit dernière, j'ai justement rêvé d'une grande scène d'engueulade avec ma belle-mère, sous les yeux de son fils qui est aussi mon compagnon et qui semblait incapable de choisir son camp...
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