mercredi 4 décembre 2013

Lire (Murakami) dans un aéroport

aéroport
Pas facile, de lire dans un aéroport. Tous ces bruits. En faire une liste. Les avions qui décollent. Les conversations dans plein de langues différentes. Les portiques de sécurité qui font biiiiiiiiiiiiiiiiiip, les bam bam des bacs plastiques du check point. Les annonces: this is the last call for the flight XYZ456 to Mumbai. Passenger Machin et Passenger Truc please go to gate C45. Mon voisin qui regarde un film avec le son à fond.  Sans compter toutes les questions que je me pose sur les achats possibles en duty free (pour finalement ne rien acheter : peur de faire les mauvais choix).
 
C'était peut-être le moment idéal pour rentrer, ou plutôt re-rentrer, dans la lecture de Murakami. Pas mon Murakami habituel, poétique, Haruki; non, son double vénéneux, très sombre, Ryû. Haruki et Ryû pourraient être les jumeaux dissemblables et maudits du roman  Les bébés de la consigne automatique, de Ryû Murakami.  L'histoire longue et complexe de deux garçons abandonnés chacun à la naissance dans un casier de consigne et qui par miracle survivent. L'histoire se déroule chronologiquement, de l'orphelinat à l'âge adulte, et s'achève dans un chaos de sang et de destruction.  Mais ce n'est pas triste, c'est juste l'enchaînement des choses qui veut ça. On voyage dans tout le Japon, on rencontre des personnages assez foutraques comme la magnifique Anémone et son crocodile Gulliver. Elle sait ce qu'elle veut, Anémone, pas l'eau croupie du quotidien, elle préfère mille fois les grains de sable qui grincent entre les dents et déchirent la gorge jusqu'au sang, des mirages, des illusions, qu'il se passe quelque chose. Elle refuse de s'ennuyer ou de se résigner. Elle est jeune.
 
C'est un peu le personnage qui sauve le livre, Anémone. Pour le reste, la violence et la dureté l'emportent, entre Hashi le premier garçon qui à force de conneries diverses comme la tentative d'assassinat de sa femme finit à l'hôpital psychiatrique en camisole et  Kiku le deuxième qui planifie méthodiquement la destruction de Tokyo. C'est sensible, pourtant, tous ces personnages cabossés se rencontrent, s'aiment, se détestent, parfois simplement se croisent ou cohabitent, faute de mieux. De temps en temps, Murakami nous balance une vanne bien sentie sur le monde tel qu'il est, brutal, sauvage.
Tout ça, c'est à cause des battements du cœur des mères, ceux que les bébés entendent dans le ventre ; la perte de ce battement, la solitude qui en résulte, on ne la surmonte jamais complètement.  

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